Il y a plusieurs bonnes raisons de voir « Sanglantes Confessions » d’Ulu Grosbard, sorti sur les écrans en 1981 et depuis injustement oublié par les anthologies du film néo-noir. La première est bien sûr de voir pour la seule et unique fois, Robert de Niro et Robert Duvall, deux des plus grands acteurs du Nouvel Hollywood, réunis en têtes d’affiche d’un film. Les deux hommes figuraient bien simultanément au sein de la distribution du « Parrain II » (1974) de Francis Ford Coppola mais ils n’avaient aucune scène en commun. La deuxième tient dans la rareté et la qualité de l’œuvre d’Ulu Grosbard, belge de naissance naturalisé américain dans les années 1950 et venu à la réalisation après une brillante carrière au théâtre à New York. Il est notamment le réalisateur du « Récidiviste » avec Dustin Hoffman en 1979 qui jouit désormais d’une réputation très flatteuse parfaitement justifiée. La troisième et peut-être la plus importante tient dans ce que « Sanglantes Confessions » est un excellent film qui a sans doute pâti de son manque d’action et de suspense pour se faire reconnaître de la critique. Film d’atmosphère centré sur les destins croisés de deux frères qui se retrouvent à l’entame du film alors que chacun est retiré de la vie active de Los Angeles où ils ont exercé quinze ans plus tôt. A l’époque, en 1947, le corps d’une jeune femme (Elizabeth Ann Short) avait été retrouvé coupé en deux dans un terrain vague. La jeune femme venue à Hollywood pour embrasser une carrière d’actrice avait une abondante chevelure noire au milieu de laquelle se trouvait en ornement une fleur de dahlia. D’où le nom de « Dahlia noir » donné à cette affaire qui ne sera jamais résolue et de ce fait adaptée à plusieurs reprises au cinéma ou en littérature. Tom Spellacy (Robert Duvall) était inspecteur de police et en charge de l’affaire susnommée alors que son jeune frère Desmond (Robert de Niro) était un jeune ecclésiastique en vue, promis aux plus hautes fonctions. L’affaire du Dahlia noir sert de toile de fond à l’intrigue mais elle va surtout permettre de révéler la relation complexe entre les deux frères
qui vont se nuire simultanément l’un à l’autre notamment en raison des liens plutôt étroits que le clergé local a tissé avec les mafieux locaux qui contribuent largement aux actions caritatives engagées par l’archevêché
mais aussi au train de vie plutôt bourgeois pour ne pas dire plus de ses hauts dignitaires dont fait partie le jeune Desmond Spellacy.
L’implication possible de l’un des principaux donateurs, interprété par le toujours impeccable Charles Durning, va venir perturber l’entente entre ces deux caractères opposés
, Tom ne voulant pas détourner le regard de ce qu’il croît être la principale piste pouvant mener à la résolution de cette affaire sordide. Le scénario concocté par John Gregory Dunne et sa femme Joan Didion à partir du roman publié par John en 1977, rend parfaitement compte de tous les enjeux qui s’entremêlent pour embrouiller toujours un peu plus une enquête qui ne décollera jamais vraiment. Les deux acteurs visiblement très heureux d’être associés sont comme habituellement parfaits. De Niro qui sort tout juste du tournage de « Raging Bull » (Martin Scorsese en 1980) a dû entreprendre une course contre la montre pour perdre une grande partie du poids pris pour incarner Jack La Motta à la fin de sa carrière de boxeur. Leurs scènes en commun sont un must de sobriété notamment quand Tom va à confesse pour exprimer à mots couvert ses doutes sur l’attitude d’une institution religieuse qui semble avoir perdu le sens de sa mission,
aveuglés que sont ses cadres par l’ambiance ouatée des mondanités en tous genres et par l’obsession des marches à gravir pour accéder aux plus hautes fonctions
. Aidé par son chef opérateur Owen Roisman, spécialiste du genre qu’il connaît bien et par les seconds rôles de haute tenue qui entourent Duvall et De Niro (Kenneth McMillan, Cyril Cuscack, Burgess Meredith, Rose Gregorio), Ulu Grosbard tient parfaitement la barre pour mener à bon port son métrage. Certes il y a peu d’action et certains l’ont déploré, oubliant que la confrontation de deux très grands acteurs pouvait tout aussi bien passer par les regards et les silences que par les coups de poings échangés où les courses poursuites dans les rues de L.A. D’autres l’ont déjà fait très bien comme William Friedkin dans « French Connection » ou Peter Yates dans « Bullit ». Ulu Grosbard, homme de théâtre comme on l’a dit , n’est donc pas allé sur un terrain où il n’aurait pas été aussi efficient que les meilleurs du genre. Bien lui en a pris.