Votre avis sur Voyage à Tokyo ?
4,5
Publiée le 21 décembre 2012
Ce qui frappe lors de la vision du Voyage à Tokyo, c'est la douceur, la justesse et la maîtrise de la mise en scène. Yasujirō Ozu refuse manifestement tout spectaculaire, tout pathos au profit d'une grande pudeur ( spoiler: le déclin de la santé de la mère, de même qua sa mort reste hors champ
). Cette économie de moyens, d'effets permet la captation du moindre détail des plans. Ozu, pourtant très conservateur (il a ressenti des difficultés pour se détacher du muet) donne un film à la fois très moderne (dont le propos reste d'actualité) et très classique (les traces du muet sont ici très présentes). En effet, les visages des acteurs (tous géniaux, dont la très belle Setsuko Hara) rayonnent d'un curieux rictus expressionniste, vestige du cinéma muet, qui trouble le spectateur. Ozu aime les plans fixes et larges (les personnages vus de loin, de profil). Ces plans permettent de sur ajouter la solitude de ces acteurs dans un paysage japonais loin des clichés connus. Certaines scènes sont dignes des plus grands chefs d'oeuvre (beau plan du vieux couple sur la digue dont la démarche de la vieille traduit la fin d'un monde, moment où cette dernière verse une larme sur le veuvage subi par leur belle fille). Plus que des enfants égoïstes n'aimant pas leurs parents, Ozu montre plutôt que la jeunesse est prise dans l'évolution technologique d'une société qui veut devenir compétitive (tout le monde se dit déborder (ce qui est plus ou moins vrai), gagner une guerre économique après l'humiliation d'une défaite de ses soldats. Ceci est très visible lors de l'arrivée conjointe des informations par télégramme ou par téléphone où la technologie de l'époque prend le pas sur l'aspect humain (un fils arrive après la mort de sa mère). "Nous ne savons pas dans quel quartier nous sommes!" "Un fils mort nous rend triste, un fils vivant s'éloigne de nous" dit le père. C'est toute la problématique du Japon d'après guerre semble t-il, la perte et destructuration de la cellule familiale, l'expansion industrielle au détriment de l'humain (davantage que le simple égoïsme des enfants envers leurs parents). Si Voyage à Tokyo est dominé par des plans d'intérieur, les rares scènes de paysage ou de Tokyo et de sa banlieue nous interpellent aussi. Nous voyons des immeubles en construction, des usines crachant leurs fumées... Un monde se construit, celui de la famille s'affaiblit, l'indifférence guette (la scène où le couple ne peut dormir, gêné par les bruits festifs de jeunes, pourtant dans une cure thermale!). Les deux vieux ne sont plus que des fantômes. Finalement, le personnage de la belle fille est le plus important ; il fait le lieu entre la structure familiale et la société moderne. Seule reliquat de leurs fils mort, elle est la plus respectueuse des personnages. Malgré une copie de mauvaise qualité et la (relative) lenteur du film, Voyage à Tokyo est un film émouvant, d'une grande richesse formelle, un quasi chef d'oeuvre tout simplement d'une simplicité inversement proportionnelle à son propos sociologique.
4,5
Publiée le 28 septembre 2015
La vie d'une famille. C'est simple, c'est juste et c'est terriblement émouvant. Superbe musique qui retranscrit à merveille les émotions et dont Delerue est le digne héritier en France. Ozu sait s'attarder sur les moments essentiels et parfois se taire. Juste filmer l'inaction. Très expressif.
4,0
Publiée le 19 avril 2022
« Voyage à Tokyo » de Yasujirō Ozu (1953) dont c’est loin d’être le premier film mais qui va le consacrer, va contre l’idée que nous avons du respect des Asiatiques envers leurs aînés. Shukichi (Chishū Ryū) et sa femme Tomi (Chieko Higashiyama), habitent à Onomichi, une petite ville portuaire au sud-ouest du Japon, et ils entreprennent un dernier voyage pour rendre visite à leurs enfants qui habitent à plus de 800 km à Tokyo. Après les rituels de l’accueil, très rapidement le fils ainé (médecin de quartier) et une fille coiffeuse n’ont manifestement pas le temps de s’occuper de leurs parents. Finalement c’est leur bru, Noriko (Setsuko Hara), veuve de leur fils Shoji, qui s’occupera d’eux et leur fera visiter le Tokyo moderne. Les enfants proposent à leurs parents de passer quelques jours dans la station balnéaire de Atami mais celle-ci n’est nullement adaptée pour les personnes âgées. Shukichi et Tomi de revenir plus tôt que prévu : Shukichi – après une soirée de souvenir bien arrosé par le saké avec 2 anciens amis – ira dormir chez ami et Tomi chez sa belle-fille Noriko. Le couple déçu rentre chez lui et après un arrêt à Osaka où vit un autre de leurs fils. Mais Tomi aura un souci de santé. De retour dans leur maison, la situation médicale empire… et les enfants de faire – par convention ? – rapidement le voyage pour les funérailles (dont par pudeur le déclin et la mort ne sont pas montrés) et seule Noriko restera quelques temps avec son beau-père, Shukichi qui lui répétera qu’elle doit se remarier, son mari Shoji étant décédé à la guerre il y a déjà 8 ans !
Un film sans fioriture cinématographique avec des plans souvent fixes à hauteur de tatami d’une grande pureté et des dialogues succins… et surtout sans aucun heurt ! Un film mélancolique d’une grande finesse.
4,5
Publiée le 14 mars 2025
Tout en plans fixes, voici l'oeuvre la plus admirable du maître Yasujirô Ozu qui reprèsente à lui seul une parenthèse cinèmatographique èblouissante. « Voyage à Tokyo » pour ce couple se sentant vieillir et en mal de ses enfants! Le cinèaste nippon laisse une place pleine de tendresse aux parents devenus gênants! La subtilitè, la dèlicatesse et l'èmotion dont l'histoire regorge sont essentiellement dues aux talents dont Ozu a su s'entourer notamment l'impèrial Chishū Ryū et la merveilleuse et gentille Setsuko Hara! L'importance historique de "Voyage à Tokyo" (1953) est considèrable aujourd'hui au point que cet immense classique a ètè èlu comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinèma! Rien que ça! Bref, il n’est pas nècessaire d’exprimer la beautè globale du film car il s’agit d’une oeuvre d’art quasi parfaite de Ozu! Aucune rèsistance à la vèritè sur le regret ou de la perte d'un proche! Juste un lent regard sur un bel horizon....
4,0
Publiée le 8 février 2025
Subtilement corrosive, cette étude de moeurs déconstruit le mythe de la valeur refuge familiale grâce au récit d'un voyage de parents désireux de revoir leurs enfants: d'une part ces derniers ressentent leur venue comme une intrusion gênante (seule la bru veuve les prend gentiment en considération grâce au souvenir de son époux défunt), de l'autre les géniteurs se plaignent du manque de réussite ou d'attention de leur progéniture. Or, ce propos grinçant où les considérations pragmatiques dament le pion aux convenances sentimentales s'orne d'une mise en scène épurée qui laisse s'exprimer toute la pertinence du jeu des comédiens (hormis le surjeu de Setsuko Hara), chacun conférant densité ou complexité à son personnage (parfois écrasé sous l'ennui ou la frustration), et révèle le paradoxe d'une ville où modernité et traditions cohabitent en un équilibre précaire (symbolique scène introductive). Cependant, ce dramatique périple laisse de glace, la froideur de l'atmosphère, l'audacieux humour noir (irrésistible cynisme de certains dialogues) l'aspect de dissection psychologique des rouages du clan ne cédant aucune place à l'émotion. Un tableau cru, cruel, lucide, de la réalité d'un groupe lié par le sang...
4,0
Publiée le 6 décembre 2014
Un film subtil, délicat et bouleversant qui dresse un portrait universel des relations familiales. Ozu nous offre une chronique acide sur la disparition des notions de respect et d'humilité dans le Japon des années 50. Avec beaucoup de finesse et d'ironie, parfois avec humour, il raconte une histoire banale qui vient toucher au cœur et qui est servie par une mise en scène très cadrée, très précise, en caméra fixe à travers des plans tableaux absolument superbes. Les acteurs, dans la retenue au début, font évoluer avec délice leurs interprétations et délivrent une prestation d'ensemble très convaincante. A peine pourra-t-on regretter l'absence de péripéties dans la narration, mais le tout est une vraie splendeur, très touchante.
4,5
Publiée le 5 mai 2018
Réalisé en 1953, « Voyage à Tokyo » de Yasujirô Ozu, réalisateur de « Bonjour » et « Le Goût du Saké » qui viendront plus tard, ressort cette année 2018 dans une copie restaurée. Elu cinquième plus grand film de l'histoire du cinéma par la revue britannique Sight and Sound en 2002, Voyage à Tokyo est une chronique familiale qui suit la visite d’un couple de personnes âgées auprès de leurs enfants à Tokyo. D’abord reçus avec les estimes que nous devons à nos aînés, le couple est rapidement un fardeau pour les enfants préoccupés par les dépenses que génère cette visite. Ils les envoient alors dans la ville balnéaire d’Atami puis chez leur belle fille, qui a pourtant perdu son mari à la guerre. Entre humour et mélodrame, le cinéaste dresse le portrait du Japon d’après-guerre avec ses bouleversants culturels, notamment au sein des foyers familiaux. Les enfants apparaissent ici comme cruel face à l’égard qu’ils portent à des parents pourtant bienveillants et avec toujours cette idée de ne pas être intrusifs. Voici un film à la photographie nette et aux plans fixes immersifs qui doit surtout son style grâce aux dialogues brillamment écrits.
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4,0
Publiée le 5 décembre 2010
La sobriété définit le cinéma de Yasujiro Ozu. Il évite donc la sensiblerie de cette chronique où les valeurs familiales sont mises à mal. Évitant de juger ses personnages, le cinéaste pose un regard distancié et pertinent sur une évolution sociale.
4,5
Publiée le 5 août 2012
L'Occident a découvert tardivement l'oeuvre d'Ozu avec ce "Voyage à Tokyo" qui est devenu emblématique des thèmes et du style du maître... ce qui ne signifie pas qu'il s'agisse de son meilleur film pour autant. On peut penser qu'il y manque cette touche d'humour un peu trivial qui est le nécessaire contrepoint de ses belles histoires de résignation face à la cruauté de la vie, ou que, paradoxalement, ce pur mélodrame est un peu plus pauvre en émotions que d'autres chefs d'oeuvre de la dernière période d'Ozu. Sans doute un peu long, "Voyage à Tokyo" offre à tout spectateur un tant soit peu patient plusieurs moments de pure transcendance, tant grâce à l'impressionnante subtilité de sa description de l'effritement des rapports parents-enfants avec le temps, que de par la magnifique mise en scène d'Ozu - qui est son inimitable signature (Ah, ces plans de paysages urbains scandant et commentant subtilement l'évolution du récit ! Ah, ces fameux "plans au ras du tatami" !). Mais ce qu'on recherche quand on regarde un film d'Ozu, ce sont ces moments mystérieux, inexplicables, quasi aléatoires - car non "dictés" par la science du récit ou par la mise en scène - où les larmes nous montent aux yeux, où la douleur, la simple et divine douleur d'être humains nous serre la gorge. Dans ce "Voyage à Tokyo", ce sont les scènes finales avec un Ryû Chishû face à un avenir de solitude ou encore celles avec la sublime Hara Setsuko qui n'arrive pas à faire le deuil de son mari mort à la guerre qui nous marqueront à jamais
4,5
Publiée le 26 mars 2024
C’est peut-être le film de Ozu où l’on sent le plus la distorsion entre son style serein, paisible, apparemment simple, et l’impression d’importance qu’il donne. Le cinéaste parle ici du décalage entre les générations, entre les parents et les enfants, les premiers dans la nostalgie du passé et les seconds pris par leur présent. Décalage, plutôt que conflit, parfaitement inscrit dans le lieu et l’espace, la période d’après-guerre au Japon, et en même temps portant quelque chose d’universel. D’un ensemble admirablement fluide se détachent plusieurs scènes, ou plutôt plusieurs plans -simples toujours, symboliques souvent- dont on sait qu’ils resteront gravés dans nos mémoires. Le plus caractéristique du style du cinéaste étant ces plans fixes intercalés qui n’ont aucun rôle narratif, mais une fonction émotionnelle par un rapport qu’ils peuvent entretenir avec des situations, et par celle de prise de conscience du temps qui passe. Ozu exprime encore, par la voix de de ses personnages, ici celle de Noriko, sa compréhension des comportements humains, compréhension teintée de nostalgie. Tout ceci explique la citation régulière de cette œuvre dans les grands films de l’histoire du cinéma.
4,0
Publiée le 17 juillet 2008
La beauté extraordinaire de ce voyage à Tokyo, Y.Ozu la tire d'une douceur aux vertus fabuleuses : réalisation, récit et interprétations s'accordent en une harmonie rare.
4,5
Publiée le 20 mai 2017
Si je connais peu le cinéma d'Ozu, Voyage à Tokyo ne représentant que ma troisième expérience, un élément m'a marqué à chacune de ces visions, à savoir la façon dont il filme et capte la vie le plus naturellement et simplement possible, sans esbroufe mais toujours avec une grande justesse. Ici, c'est autour des relations qu'un couple de retraités vivant d'une une petite ville du Japon va avoir avec leurs fils, chacun vivant à Osaka ou à Tokyo.

Voyage à Tokyo accentue cette justesse et sobriété et la façon dont on va se retrouver immergé au cœur du récit et des protagonistes, suivre ce couple vieillissant découvrir la vie de leurs enfants qui ne vont leur accorder que trop peu de temps, que ce soit à cause du travail ou tout simplement de la personnalité. La force de l'oeuvre d'Ozu se trouve surtout dans l'impression que l'on peut avoir de partager les sentiments et la vie des protagonistes, d'être à leurs côtés et de nous faire passer par tout un éventail de sentiments, sans avoir recours à des effets dramatiques superficiels ou à un quelconque excès.

Tant dans les thématiques abordées que les personnages, Voyage à Tokyo représente un bijou d'écriture, d'une grande justesse et intelligence. Tout en captant la particularité, les conventions et la culture de son cadre, il met en avant les liens familiaux dans cette société de plus en plus moderne et la façon dont on y accorde de moins en moins d'importance. Il donne de la force à ces propos, à l'image du comportement des petits-enfants ou de la fille préférant demander à sa belle-sœur de faire visiter la ville aux deux retraités. Il montre l'individualisme de cette société mais aussi la solitude qui va se dégager de personnages qui semblent perdus, et c'est donc tout simplement la vie qu'il met en scène. Une vie où l'on va voir ceux qui nous ont été les plus proches s'éloigner, une vie où l'alcool, la guerre, la mort, la vieillesse et autres maux ont été présent et marquent à jamais.

Ozu fait ressortir toute l'émotion des personnages et enjeux, mais toujours avec délicatesse, calme et intelligence, usant des non-dits, regards et autres gestes. L'oeuvre dégage une puissance qui ne fait que s'accentuer au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, ainsi qu'un profond humanisme. La construction du récit est aussi simple que remarquable et juste, mettant en avant la triste réalité tandis que ses cadres et plans sont toujours adéquats à l'émotion et richesse qui en ressort, participant pleinement à l'immersion. Devant la caméra, les acteurs se fondent dans leur personnage, mention pour le couple de retraités interprété par Chishū Ryū et Chieko Higashiyama.

Avec Voyage à Tokyo, Ozu nous immerge dans une chronique familiale avec finesse, intelligence et surtout émotion, dans une vie qui voit le temps passer à grande vitesse mais sans pour autant cicatriser les blessures.
4,5
Publiée le 18 août 2019
Comme toujours une beauté formelle au service d'un film poignant où derrière les marques de déférence des enfants recevant leurs vieux parents pointe l'égoïsme et l'ingratitude.
4,0
Publiée le 21 novembre 2015
Le film aurait gagné à être plus rythmé, il est un peu monotone parfois et penche même dans l'ennuyeux à certains moments. Mais je comprends mieux la réputation de ce film après l'avoir vu; c'est une oeuvre très touchante et intelligente qui parle avec brio de la famille et du deuil. Certains moments sont très intimistes et la variation entre le champ et le contre-champ est très bien géré. La photographie est d'ailleurs très belle. Par ailleurs, la fin est touchante et parfaitement réalisée
4,0
Publiée le 18 octobre 2013
Pour évoquer la déliquescence familiale, et celle d’une société japonaise repliée sur elle-même, Ozu prend les précautions de la sagesse. Sa mise en scène suit le rythme du temps, des journées, et ne s’appesantit jamais sur la noirceur de ses personnages. Il les montre tels quel, avec suffisamment de pertinence, pour ne pas avoir à en rajouter. Le genre de film qui ne se fait plus, et d’autant plus précieux
Les bonus
Des illustrations autour du film, des commentaires sur le travail d’Ozu et un retour sur les lieux du tournage, donnent lieu à de nouvelles interprétations. Eclairant !
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