Un très surprenant fil de Cukor qui entremêle mise en abyme théâtrale et film noir avec une grande inventivité. Contrairement à ce que le titre laisse entendre, il s'agit pas d'une adaptation de la pièce, ni historique ni contemporaine, mais bien d'un film sur le glissement progressif d'un acteur dans la folie. Ce thème du difficile partage entre l'art et la réalité a été maintes fois traité depuis mais Cukor y déploie (en précurseur) une inventivité inédite. Le réalisateur inscrit également cette tragédie, celle d'un petit acteur dévoré littéralement par un rôle trop grand pour lui, au sein d'un film noir. Le film, du fait de son audace, reste actuel encore aujourd'hui et le mélange des registres, qui n'exclut pas l'humour et l'ironie, lui donne une grande originalité. Au-delà de la mise en scène très impressionnante, la photographie en noir et blanc est magnifique et l'interprète principal, oscarisé en 48, livre une prestation mémorable.
La mesure de ce film magnifiquement interprété tient dans le drame qui se dessine au fil des minutes, on imagine le pire, la descente aux enfers de cet acteur habité par ses rôles. Comment ne pas croire à cette histoire, si bien conté, une belle réussite qu'il faut découvrir. Un film noir intelligent et plaisant de bout en bout. Cukor était vraiment un des maitres de Hollywood.
Bon petit film, un peu désuet, mais un charme bien réel demeure : un comédien jouant le rôle d'Othello perd peu à peu la tête en confondant théâtre et réalité, son rôle sur scène et son rôle dans la vie. Le cinéma de genre reste puissant pour aborder l'air de rien des sujets universels, intemporels.
"Othello" nous plonge donc dans l'univers du théâtre. Ronald Colman y interprète, avec brio, un acteur qui prend ses rôles à coeur. Le film est d'une grande modernité, en abordant la schizophrénie à travers un personnage de théâtre qui s'empare de son acteur. En plus de cela, le film rend un vibrant hommage à Shakespeare. Si la progression de la folie, ou plutôt de la métamorphose d'Anthony John est fascinante, on regrettera la dernière partie de l'oeuvre, prévisible, et peu angoissante. Toutefois, le film reste très appréciable grâce, en partie, à son sujet passionant et à la prestation de Colman.
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4,0
Publiée le 12 décembre 2012
Oeuvre injustement mèconnue utilisant avec bonheur plusieurs genres qui s'entremêlent comme le tragique de Shakespeare, le mèlo ou le film noir, "A Double Life" de George Cukor est en tout point remarquable où un cèlèbre acteur de thèâtre trouve dans le rôle d'Othello un succès magistral mais au fil des reprèsentations, la raison du comèdien s'ègare, Othello prenant possession de lui et bientôt le poussant même au pire comme tuer une jeune serveuse du nom de Shelley Winters, malencontreusement placèe sur la route du comèdien! On sait à quel point Cukor ètait fascinè par la question de l'identitè! Ici, enfermè dans le fameux paradoxe du comèdien (être soi et un autre tout à la fois), Ronald Colman est franchement sensationnel, on peut pas dire mieux, et sa prestation lui vaudra à juste titre l'Oscar du meilleur acteur! L'esthètique nocturne hormis prèsente dans le film est souvent admirable et la mise en scène de Cukor très inspirèe! La tragèdie du comèdien, le cinèaste la connait par coeur, c'est peut-être en cela que "A Double Life" est une totale rèussite...
Je ne suis pas toujours fan du cinéma de Cukor, bavard et outrancièrement féminin, mais j’ai beaucoup aimé ce film méconnu, fabriqué autour de Shakespeare et plus précisément d’Othello, pièce immortelle et paradigmatique de la jalousie. Un acteur empêtré dans la problématique de son vieillissement et de la mort de son couple va se laisser entraîner dans l’aventure de jouer ce rôle immense. Il y parviendra en s’identifiant jusqu’à la folie et la mort à son personnage. Critique du jeu d’acteur non distancié, critique du système impitoyable fait de gens de théâtre, de financiers, de journalistes et de policiers, étude des sentiments extrêmes, A Double Life est une vraie réussite, tant au niveau de la réalisation impeccable de Cukor qu’à celui d’une distribution homogène (Ronald Coleman et signe Hasso mais aussi Shelley Winters dans un personnage émouvant)… Et puis, c’est l’occasion d’écouter encore et encore quelques-unes des plus belles tirades du Grand Will, et ça, c’est une des plus belles musiques que l’oreille humaine peut entendre !
Une démonstration très démonstrative autour de la pièce "Othello" mais très efficace d'autant plus que c'est le sûr et élégant George Cukor qui est derrière la caméra. Il y donne en plus une des séquences les plus belles de sa carrière à savoir la subtile transition où le personnage joué par Ronald Colman raconte les répétitions et tout ce qu'il y a autour jusqu'à la première. A propos de Ronald Colman justement, il est plutôt moyen pour les scènes sur scène (naze !!!) mais s'en sort avec tous les honneurs pour le reste ; celles où il est confronté à Shelley Winters, vraiment excellente et qui fait oublier le jeu un peu terne de l'actrice principale Signe Hasso, sont certainement les meilleures avec l'autre citée avant. Il est à noter que Betsy Blair dans une courte apparition n'a aucun mal à se faire remarquer aussi. Imparfait mais qui vaut pour quelques moments vraiment remarquables.
Oeuvre méconnue du grand George Cukor, « Othello » est pourtant loin d'être une tache dans sa filmographie. Au contraire, sur un thème relativement classique mais toujours passionnant, le réalisateur d' « Indiscrétions » propose un spectacle profondément élégant, fort bien écrit et doté d'une belle intensité dramatique. On a beau deviner dans les grandes lignes ce qui va se passer, la façon dont Cukor construit son récit et traite ses personnages rendent le film séduisant, malgré quelques longueurs. C'est enfin une belle réflexion sur le théâtre, ses comédiens, la manière d'y appréhender un rôle important... Et si la démonstration est poussée à l'extrême ici, elle n'en reste pas moins intrigante, à l'image des scènes réunissant avec beaucoup de réussite Ronald Colman et Shelley Winters, tous deux impeccables. Bref, ne vous fiez pas au titre français, beaucoup moins évocateur que l'original (« A Double Life »), pour saisir les subtilités du résultat, loin d'être une simple adaptation conventionnelle du standard de William Shakespeare, mais bien une plongée intelligente dans les plus sombres recoins de l'esprit : un voyage aussi inquiétant qu'humain à découvrir.
George Cukor est connu comme un remarquable directeur d’actrices dans des comédies enlevées. Cette face reconnue du talent de Cukor fait souvent oublier qu’à quelques reprises ce réalisateur raffiné a montré son aptitude à livrer des films noirs ou à suspense de la meilleure facture. L’exemple le plus connu demeure “Hantise” (1944) avec Charles Boyer et Ingrid Bergman qui lorgne franchement du côté d’Hitchcock et de “Rebecca”. “Othello, a double life” est lui injustement oublié alors qu’en 1947, Ronald Colman avait été fort justement recompense pour une prestation particulièrement habitée. Cukor à travers le rôle emblématique de l’Othello de Shakespeare s’interroge que la frontière ténue entre la vie réelle et l’interprétation. Anthony John acteur de comédie légère , au fait de sa gloire , hésite à aborder le rôle d’Othello qui serait sans aucun doute le couronnement de sa carrière. Autodidacte, parvenu au succès à la force du poignet, Anthony John n’est jamais complètement parvenu à se défaire d’un complexe d’infériorité du à son manque de culture initial qui a sans doute accentué son inclinaison à une jalousie incontrôlée. Conscient de cette fêlure, il craint que sa technique de jeu essentiellement bâtie sur l’indentification au personnage ne réveille en lui de vieux démons endormis. Ses craintes se révèlent fondées au fur et à mesure des représentations qui voient le transfert s’opérer entre l’acteur et le personnage jusqu’au point de non retour où les repères avec le réel vont s’effondrer. Cette lente contamination est fort bien montrée par Cukor qui utilise fort à propos le regard affolé de la partenaire et compagne d’Anthony John, jouée par la très grâcile Signé Hasso. Le processus qui s’opère sous nos yeux s’apparente sans aucun doute à une transposition plus réaliste par Cukor de la nouvelle de Robert Louis Stevenson “L'étrange cas du docteur Jekyll”. Le meurtre qu’il commet de manière factice tous les jours sur scène réveille en Anthony John un besoin irrépressible de passer à l’acte. Dans un ultime réveil de sa conscience de classe, l’acteur en proie à une jalousie délirante, tel les Mister Hyde de Fleming ou de Mamoulian qui terrorisaient tous deux une fille de mauvaise vie, épargnera sa partenaire de jeu en sacrifiant une serveuse de bouge (Shelley Winters) rencontrée au hasard d’un soir de solitude. Ronald Coleman qui aborde le versant déclinant d’une carrière commencée à l’époque du muet ne laisse pas passer l’occasion de rafler la mise au Oscars de 1948 devant John Garfield ou Gregory Peck. Le film peut paraître un peu daté sur certains aspects de la mise en scène ou du jeu des acteurs mais il conserve une force qui méritait bien l’exhumation par la société Wild Side Vidéo pour une édition DVD méritoire.