La Liste de Schindler évoque ce drame historique de façon différente en nous montrant le parcours d'un Juste parmi les Nations qui a oeuvré pendant cette guerre pour sauver des vies juives. Les nazis étant habituellement vus comme des barbares sanguinaires sans aucune âme, ça change un peu et même s'il peut sembler risqué de la part d'un cinéaste de mettre en avant un "bon côté" chez les nazis, le pari est réussi. Le film n'est pas sans rappeler que parmi les millions de militaires se trouvaient quelques personnes qui se sont rebellées devant tant de haine. Histoire de faire comprendre, entre autres, que si les soldats nazis l'avaient voulu, ils auraient pu éviter ce carnage, contrairement à l'idée stipulant qu'ils n'avaient absolument pas le choix. C'était délicat pour eux, mais merde, c'était possible. Bref, le film prend son temps et nous en met plein la vue en terme de choc (les fusillades gratuites, les chambres à gaz qu'on ne voit pas mais sont suffisamment matérialisées par les pluies de cendres et l'énorme cheminée). D'ailleurs, on a une énorme scène de tension et de suspense horrible lors de la scène des douches. Un grand nombre de femmes juives se retrouvent déshabillées et parquées dans une salle de bains qu'on pense être une chambre à gaz, mais reçoivent finalement de l'eau. Certains ont gueulé à l'incohérence historique mais c'est pourtant une réalité puisque les juifs n'étaient même pas sûrs du sort qui les attendaient, même ceux qui avaient des doutes au départ. Les actrices de cette scène sont absolument parfaites, elles transmettent l'horreur et la détresse avec puissance. Mais le film ne s'arrête pas là, heureusement, car faire un portrait positif des nazis et des douches avec Oskar Schindler et cette scène aurait été scandaleux. Tavernier et Coursodon résument d'ailleurs ce passage à la perfection : "La scène – dont on ne voit guère la raison d’être, si ce n’est de créer une tension, une angoisse presqu’intolérable, qui se résout finalement dans le soulagement – a au fond la même fonction que tout le film : présenter l’horreur, suggérer l’impensable, mais quand même en fin de compte, rassurer. Pour une séance de douches, il y eut mille chambres à gaz, pour un Schindler des millions d’indifférents". Pendant ces trois heures, on a un autre aperçu de ce qu'ont pu vivre les juifs pendant cette période et évidemment, c'est moche. Car évidemment, en dehors de Oskar Schindler, Spielberg n'oublie pas de montrer la cruauté des soldats nazis à l'égard du peuple Juif. Ca se fait par l'intermédiaire d'un deuxième personnage, Amon Goeth, qui symbolise vraiment le méchant nazi profitant de la guerre pour déverser sa haine en tuant au hasard. Même si ce personnage semble éprouver des sentiments moins agressifs à certains moments du films, il reste haïssable. On suit donc la confrontation entre les deux personnages aux idées opposées et c'est intéressant, d'autant que les acteurs sont géniaux. Liam Neeson est ahurissant, avec une grande classe. Je ne savais pas qu'il incarnait le personnage principal de ce film et j'ai été ravi de le voir interpréter ce personnage. De même, Ralph Fiennes avec sa tête de Voldemort campe le parfait méchant, méprisable et méprisé par le spectateur. Deux acteurs de grand talent qui se donnent la réplique de façon magistrale. Quant à Ben Kingsley, on a parfois du mal à le reconnaître mais il fait également un boulot extraordinaire. Les deux des acteurs sont aidés par la photographie sublime du film qui joue beaucoup sur les ombres et les lumières, un peu comme dans les vieux films en noir et blanc. Le film ne contient presque aucune couleur, juste les scènes d'ouverture et de fermeture, ainsi que les flammes de deux bougies et le manteau rouge d'une enfant innocente. Une gamine qui fera l'objet d'une belle scène poignante grâce à un Liam Neeson bouleversant. De manière générale, les dialogues ne sont pas exceptionnels la plupart du temps, mais plusieurs répliques font leur effet en terme d'émotion. Ben Kingsley a une phrase vraiment touchante qui nous abasourdi lorsqu'il confie à Oskar Schindler que sa liste est merveilleuse car elle est la vie. Et qu'à l'extérieur des marges, on a un gouffre. Mais bien évidemment, c'est la fin du film qui émeut le plus grâce à Liam Neeson, encore. Cette culpabilité finale du personnage est affreusement poignante. Alors qu'il vient de sauver 1100 personnes de la mort, Schindler s'en veut en réalisant qu'il aurait pu sauver plus de monde, avec notamment cette sublime réplique qui prend aux tripes "j'aurais pu en sauver un de plus, mais je ne l'ai pas fait !". C'est poignant et ça rappelle avec brutalité que Schindler n'a pas sauvé une "liste" de 1100 personnes, mais bien 1100 individus uniques, à part entière. Bouleversant et triste. De même, comment ne pas avoir un pincement au coeur à la toute fin du film, lorsqu'on voit les rescapés s'approcher de la tombe de Schindler en posant des pierres dessus ? Bref, un très beau film.