N'ayant pas lu le livre de Brückner, livre scandaleux à l'excellente réputation, j'avais abordé à l'époque le "dernier Polanski" avec une virginité bienheureuse, et j'avais été plutôt séduit par tout ce que "Lunes de Fiel" avait de scabreux, glauque et malaisant : je pensais y retrouver le Polanski que nous aimions, celui de "Rosemary's Baby", de "Repulsion" ou - surtout - du "Locataire". Revoir "Lunes de Fiel" avait mis à mal cette bonne impression, parce que transparaissait clairement, une fois passé le choc, tout ce que le film avait de "bourgeois", de conventionnel : oui, "Lunes de Fiel" dit des choses justes et importantes sur le couple, sur le naufrage inéluctable de l'amour et de la sexualité, mais, faute dune vraie radicalité esthétique et / ou narrative, les noie dans des images conventionnelles, décoratives, finalement rassurantes pour le spectateur. Bref, Polanski lisse son propos, et même si Coyote et Seigner ont suffisamment de moments "borderline" pour que quelque chose d'indécent passe à l'écran malgré la joliesse des images, on passe clairement à côté du brûlot que le film aurait pu, aurait sans doute dû être. Il est possible, heureusement, de se livrer à une lecture "méta" du film, en y voyant une illustration des rapports entre Polanski et la femme qu'il aime, Emmanuelle Seigner, qu'il se complait à dénuder et à exposer dans les scènes les plus avilissantes possibles à la concupiscence, puis au dégoût et à la peur de son spectateur : et ça, au delà de la question de l'adaptation d'une œuvre littéraire fameuse, c'est évidemment intéressant.