Introduit dès le départ par une musique du lac des signes, hasard ou coïncidence quand on sait que cette même musique est celle de Dracula, mentionné sur l'affiche comme deuxième nom de Bela Lugosi, Double Assassinat dans la rue Morgue se montre comme une libre adaptation de Poe, phénomène assez rependu à cette époque, jouant sur une intrigue fantastique (le savant fou qui veut prouver l'humanité des singes) et expressionniste (par un jeu d'ombre omniprésent, des décors Parisiens en carton pâte ou encore les motifs géométriques des plans de Paris, parfois peu réalistes, mais tout de même séduisants).
Cet expressionnisme, surtout marqué par la domination des ombres, se remarque dès les premières minutes avec l'apparition de Lugosi à l'entrée de la tente de foire. Puis, reprise, et plus appuyée lors de sa montée sur scène. Si Lugosi domine, c'est une fois de plus grâce à sa voix, son accent Hongrois. Cette voix dominatrice est d'ailleurs reprise pars le dialogue avec la réplique du mari qui ne se gène pas de faire remarquer ce fameux accent. Mais évidemment, il domine encore et toujours par le regard, appuyé par un effet de maquillage se voulant insistant sur les sourcils, donnant un aspect inquiétant mais non antipathique à notre futur savant fou.
Pour revenir sur les dialogues, il est assez agréable de remarquer l’insistance sur le français, avec notamment un "mesdames et messieurs" qui a son impact.
Une fois ceci présenté avec classe, côté mise en scène pour Robert Florey, ou côté personnage par Lugosi, on assiste à la présentation du "monstre" du film, le second ennemi de l'oeuvre, alliant mélange entre déguisement et prise de vue réelle, plutôt réussi, sauf lors des déplacements de celui ci, trop peu réalistes, mais néanmoins plus réussis qu'ils le seront 10 ans plus tard dans The Devil Bat.
Florey nous présente ensuite une scène de meurtre, deux hommes se donnent mutuellement la mort. Celle ci est intéressante car l'horreur nous est presque finalement présentée que par cris, et non par images choquantes comme l'on pourrait croire. Puis, l'approche de Lugosi vers la jeune femme, étant l'avancée de celui ci vers la caméra, se terminant par la seule ombre de ce dernier, rappelant une fois de plus l’expressionnisme donc le film regorge. Si tout est présenté de façon grandiose, la labo du Dr Mirakle est d'un typique superbe, éprouvettes, tuyaux etc, là, chapeau.
La suite de cette scène est l'une des plus belles, voyant un Lugosi en échec, réussissant une inversion des rôles, il nous montre sa détresse et en est presque touchant.
Enfin, les costumes, comme des décors, sont soignés et réalistes. Les gardes, en costumes Napoléoniens, brandissant leurs chapeaux et leurs capes qui s'intègrent dans les ombres avec brio.
Tout comme certains plans finalement. L'avantage de ces films anciens est que les innovations techniques sont toujours surprenantes. Il y en deux qui m'ont réellement marqué : la scène de la balançoire, incroyable quand on regarde de près la date du film, puis aussi, la montée de la caméra, qui passe du trottoir au toit sans coupure, et finalement si peu saccadé.
La fin, quoi qu'un peu classique, se veut plutôt novatrice, à la King kong.
Double Assassinat dans la rue Morgue est une réussite cinématographique, certes vieillie, quoi que très bien conservée comparée à d'autres films de la même période. Mention spéciale à un Bela Lugosi alors à son apogée, signant l'un de ses meilleurs rôles, finalement presque tous concentrés autour de ce début des années 30.