Avec un prix à Berlin et une nomination aux Oscars, juste avant une mort prématurée, La Beauté des choses marqua le grand retour de Widerberg sur la scène internationale. On y retrouve ses thèmes de prédilection, au croisement de la grande Histoire et de l’intime. Il construit son film à partir de ses souvenirs d'enfance à Malmö, pendant la Seconde Guerre mondiale et fait jouer le rôle principal à son fils. L’amour chez Widerberg est souvent une invitation à l’émancipation des êtres, l’éveil des sens se doublant d’une soif de liberté et de la naissance d’une conscience politique et morale…
Bo Widerberg travaillait sur ce scénario depuis les années 1980 et souhaitait que le rôle du jeune garçon soit joué par son fils, Johan. Widerberg aimait beaucoup voir ses enfants jouer dans ses films. Il avait commencé à écrire le scénario quand Johan était encore petit, pensant qu’il attendrait que son fils ait l’âge de jouer le rôle pour tourner. Mais en 1988, Johan avait coupé le contact avec son père qui venait d’abandonner sa famille pour une nouvelle femme, Michaela Jolin, l’actrice principale de Victoria. La séparation avait été très douloureuse et Johan ne voulait plus revoir son père. En 1994, quand il fut certain que le film allait se faire, cela faisait 6 ans que Widerberg essayait de recontacter son fils. Finalement, ils se rencontrèrent pour dîner, et la soirée se termina avec de grands verres de gin. C’était la bonne méthode : Johan finit par accepter le rôle. C’était l’une des choses les plus importantes avec le projet de film, pour Widerberg : les retrouvailles avec son fils.
Frank, [le mari de Viola] adore la musique classique, un amour qu’il transmet à Stig, le jeune garçon [amant de Viola]. C’est une thématique connue chez Widerberg, un rebelle, issu d’un milieu très modeste. Autodidacte, il a trouvé seul le chemin vers l’art, la littérature et la musique. Son rêve était que la classe ouvrière s’élève matériellement et arrive aussi à avoir accès aux plaisirs de ce qu’on considère comme la culture bourgeoise.
Plusieurs films de Widerberg se déroulent dans le passé mais La Beauté est le seul pour lequel il pouvait puiser entièrement dans ses souvenirs pour recréer décors et ambiances. Certaines scènes sont tournées dans le collège où il a fait ses études. Comme d’habitude avec Widerberg, aucune scène ne fut tournée en studio. Tous les intérieurs sont de vrais appartements. Les parents de Widerberg, Arvid et Greta, habitaient encore Malmö et il n’a pas arrêté d’emprunter des affaires de leur appartement qu’il utilisait comme accessoires. C’est Johan qu’il envoyait rendre visite à ses grands-parents. Widerberg savait qu’Arvid et Greta, qui le connaissaient bien, ne le croiraient pas s’il disait qu’il leur rendrait les chaises, les assiettes et les autres affaires le lendemain, mais qu’ils ne sauraient pas dire non à leur petit-fils.
La Beauté fut le comeback dont rêve tout réalisateur. Le film a tout eu : l’acclamation des critiques, succès public, et des prix dans les festivals ; l’Ours d'argent au festival de Berlin et une nomination aux Oscars pour le meilleur film étranger. Après Le Quartier du corbeau et Adalen 31, c’était une 3e nomination pour Widerberg.