Je poursuis mon cycle consacré au cinéaste Epagnol avec son quatrième ( troisième pour moi dans mon ordre de visite ) longs métrages, Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? (¿Qué he hecho yo para merecer esto !!) Il y'a de quoi dire sur cette expérience, à la fois minime et inoubliable.
Plus de 24 heures se sont écoulées depuis la découverte de ce film ... J'ai eu un mal fou à trouver un justificatif à ma réticence d'écrire cette critique qui n'a au fond de sens que pour moi, et pour la petite poigné de lecteurs qui la liront, mais je pense qu'au fond c'est la surprise qui m'a le plus confondu dans ma perte de repère et si désarçonné. Pedro Almodovar est un immense portraitiste, à l'unité, comme de par la collégiale qu'il aime tant à dépeindre, à réunir, dans un foisonnement de style qui ici traite de la comédie et du drame, à l'instar parfois d'un Woody Allen ou d'un Ettore Scola auquel j'ai pu me faire deux ou trois allusions à titre personnel. Car oui, il y'a une farce ici, noir, sombre, difficile à soutenir ... Enfin, à mes yeux.
Ce film plonge dans le rire de situation, provoque une décharge à l'intention du " bon gout ", revendique, aussi, sa dureté. J'ai à la fois été touchée, et ceux de suite, par cette femme - de ménage - qui livre une bataille pour survivre et faire cohabiter un entourage qui la mine, la détruise, autant qu'elle même se l'inflige dans un geste d'autodestruction pour pouvoir tenir le rythme ... On rigole de la voir s'exercer au arts du sabre, dans ce Dojo qu'elle nettoie, dans cette superbe mise en scène de son réalisateur qui trouve dans le recul de sa principale intention encore plus de poids pour nous faire voir avec attention que l'action ne se situe pas ici sur le devant de la scène, mais belle et bien dans le fond de ce même espace ! Je dévie d'ailleurs sur un oubli, son générique, tout en couleur, dans les teintes de ses précédents films, que j'adore, une fois de plus. Ce rouge et noir, avec la typo qui inscrit les lettres de ce dernier m'a en particulier ému à sa manière, surtout dès lors qu'on en termine ...
Revenons-en à Gloria. On comprend par sa pratique de l'art martial auquel visiblement elle n'est pas conviée que se cache derrière la convenance de la mère de famille qui jongle entre la popotte et le repassage des siens et le récurage des water des autres une guerrière dont le silence va finir par se révéler. Sans spoiler, c'est une implosion qui mène au retentissant coup de bâton !
On retiens, de cette comédie qui trempe les mains dans le cambouis l'étrange effet de reflet qui officie dans le contexte, entre le lieux, les protagonistes, notamment dans l'immersion de leurs quotidiens et le dehors, ou tout se ressemble, ou les bâtiments défilent et qu'a cela, définie une forme de banalité de l'oubli, du désintérêt, de ceux et pour ceux qui s'y trouvent qui donnent une certaine idée du sentiment d'abandon qui traverse ce long métrage au titre si évocateur !
Pedro Almodovar - qui donne de sa personne dans une des scènes les plus inoubliables du film - cherche et creuse au niveau du rendu à ne jamais rendre un pareil glamour cinéphilique de l'instant et raconte au contraire par le biais des rejaillissement, corporel pour être direct, à rendre compte de la véritable température de cette drôle d'osmose ... Enfin, il y'a aussi du surnaturel dans ce réel dépeint, Almodovar reste fantasque et génial, on peu compté là-dessus.
Le poids des factures, la place de la Tv, de chacun d'ailleurs au sein du corps familial ainsi que certaine privation sont des rappels qu'ici, la vie n'est pas toute rose. Que l'on se serre les coudes, ou pas, que l'on se juge pour des broutilles et que l'on accepte le pire sans ciller, mention à cette vente du gosse au dentiste complètement détraqué ! Le premier fils, dans une drôle d'union avec la vieille, sur lequel il vomit par trop importante substance prise, trouve lui aussi une sacrée place dans le giron de cette famille et s'en donne à cœur joie pour en profiter. Lui qui pique les cachetons de la mère, qui se shoot au rabais, avec les moyens du board, et qui deal à tour de bras à coté de cela ... Le mari et père est quand à lui l'incarnation du machiste névrosé par une vie meilleure qu'il à quitté sans trop savoir pourquoi. Il règne ici par la force, sans désintéresse toutefois par un manque de foi, avant que celle-ci ne revienne dans une machination sans queue ni tête ! Ce couple d'écrivain, qui monte l'arnaque à aussi une sacrée couche ! D'ailleurs, ces derniers partagent au fond le même mal que ceux qui nettoient leurs errances et ennuis. Les voisines, elles aussi font offices de personnages centraux dans l'interstice de ce récit plus mouvementées qu'il n'y parait.
J'en reviens à Gloria, si touchante, dans le témoignage de sa solitude, de sa crise de manque, notamment du rejet des siens qu'elle subit et la pousse à traversé Madrid avec sa souffrance qui lui est pour le coup si propre. Sa rencontre initiale avec ce type qu'elle ne cesse de retrouver après avoir partagé sa " toilette " - et son impuissance - atteste du sentiment de lassitude et de frustration que seule la fatigue ne semble pouvoir recouvrir. Des disputes qui s'en suivent rabattent le sort scellé qui semble surgir ...
Scrupule et désolation comble le vide, de cette femme, qui n'a que le réconfort des plus jeunes, pour la faire subsistée ... Chapeau bas au casting, à Carmen Maura, que j'apprend en même temps que cette rétrospective de son metteur en scène à adorer à chaque nouveau rôle !
J'en termine avec cette ultime plan d'immeubles, ici mis à la fin, contrairement à d'autres de ces films ou l'image trust les débuts pour confirmer mon adoration pour le cinéma de ce même Almodovar, mais que oui, à bien des égards, ce dernier m'a mis le cafard ... Une farce beaucoup trop sombre, malgré son enfilade de sketch en tout genre qui m'a affectée sans que je ne retienne ses supercheries facétieuses. Qu'au fond, seule son immense crise existentielle ne me reste ...
Un film qu'il me faut sans doute digérer et revoir dans les années à venir. Avant çà, cap sur Matador.