Basé surtout sur la biographie précise et sans concession de Linda, l’épouse de Bruce Lee, le film de Rod Cohen parvient à mieux cerner l’héritage novateur et universel laissé à la postérité par le Petit Dragon, que tous les films, documentaires, et articles précédents. Pour ce faire, Cohen met en évidence de nombreux éléments jusqu’alors occultés. Entre autres, l’irréductible volonté de Lee de rompre avec la vision donnée au grand public par les représentants de l'élite des arts martiaux. Par ses écrits, et conférences-démonstrations, le chinois a dépoussiéré l’approche pédagogique sectaire et compartimentée qui régnait à son époque. Le film dépeint avec succès le rabâchage du chinois devant médias, amis, élèves et pairs, pour faire admettre que la pratique et l’enseignement des arts martiaux ne devaient pas se résumer à une répétition mimétique et inlassable de gestes préprogrammés, mais qu’ils répondaient à quelques grands principes de physique (équilibre, déséquilibre), et de métapsychique (technique de concentration et libération de l’énergie) permettant plus d’autonomie et de créativité au pratiquant. En outre, Cohen ne se contente pas de rappeler le racisme de la société américaine et de Hollywood en particulier, vis-à-vis des chinois, et donc de Bruce Lee, il montre aussi l’optimisme forcené de Lee à croire qu’il finirait par avoir raison de ces préjugés. Le fade sous-titre français « L’Histoire De Bruce Lee » ne rend pas compte de la problématique qui a fait couler tant d’encre et agiter tant de langues. « Curse Of The Dragon » fait référence à la mort suspecte de Bruce Lee puis de son fils Brandon. En traitant les angoisses morbides de Lee de manière excessivement fantasmagorique, Cohen démontre que plus qu’une malédiction jetée sur le père qui s’abat sur le fils, c’est surtout l’énorme pression et les frustrations au quotidien qui sont les responsables de l’embolie cérébrale. La très bonne interprétation des comédiens ne gâche pas un excellent travail d’ensemble.