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Flavien Poncet
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2,5
Publiée le 15 juin 2009
Violons, cordes, se déploient en leit motiv les ailes d’un cygne. Pour peu, nous serions chez Tchaïkovski. Or nous sommes chez Artavazd Pelechian, bien moins porté sur le charme des passions. «Obibateli» (URSS, 1970) s’ouvre sur de gracieuses images, où la lumière dessine des contours aussi beaux que les effets d’un film de Bokanowski. S'esquissent les ailes d'un oiseau blanc, mais le grosseur du gros-plan donnerait presque à penser aux agitations d'un pachyderme. Cette félicité de l’image, accentuée par la répétition des gestes animaux, laisse très vite place au sentiment d’une menace. Le corps de milles oiseaux, tous s’envolant, se substituent aux mouvements du seul cygne. Cette multiplication opérée en début de film ne cessera pas tout le long. En s'ouvrant sur un ton de quiétude et en bifurquant sur des voies plus violentes et angoissantes, «Obibateli» dresse le portrait d’une nature sauvage, enhardie face à la brutalité humaine. Employé le cinéma pour mettre en scène, par le seul biais du montage, la violence procurée par l’homme sur la nature n’est pas un outillage inconséquent. Oeuvre de la technologie humaine, l'évolution que prennent les caméras numériques nous le rappelle, le cinéma est chargé en l'occurrence par Pelechian de formuler l'alerte de la nature. Le noir et blanc, idoine pour se contenter des formes sans que ne soit concernées les vraisemblances, permet de figurer au mieux la folie qui envahit les animaux. Formuler, figurer, si j'emploie ces mots là, c'est afin de rendre au mieux le geste qui semble animer le cinéaste soviétique. Le genre auquel appartient «Obibateli», si tant est qu'on puisse assimiler cela à un genre, est celui de l'expérimental. Pourtant, loin des abstractions d'un Anger ou des vidéastes comme Viola, Pelechian cale son oeuvre sur une théorie rigoureuse du montage. Rejoignant la pratique quasi-mathématique d'Eisenstein, «Obibateli» procure la sensation vertigineuse d'une extase mortifère.