Le 21 janvier 1992 voit la diffusion au Festival de Sundance du premier vrai long-métrage (sa première tentative, My Best Friend’s Birthday, demeurant inachevée) d’un jeune réalisateur totalement inconnu qui avait juste pour titre de gloire d’avoir vendu deux scripts pas encore tournés (True Romance et Tueurs nés) : Quentin Tarantino !
Dès la séquence d’ouverture, on comprend que le film est signé par un grand cinéaste et dialoguiste qui va s’amuser avec les codes de la narration : il fallait oser débuter sa carrière avec une longue séquence dialoguée qui ne traite que de choses futiles (la chanson True Blue de Madonna, le fait de donner ou pas un pourboire aux serveuses…) ! La prouesse du débutant étant de captiver son spectateur dès les premières secondes grâce à un talent de dialoguiste et de réalisateur évident. Le générique suivant cette scène possède une force visuelle qui a marqué toute une génération et qui prouve la maitrise totale de la caméra qu'a le cinéaste.
Bien qu’il reprenne l’intrigue du City on Fire de Ringo Lam, Tarantino évite tout classicisme grâce à un choix de narration original. Effectivement, l’événement qui marquerait l’élément principal de ce type de films normalement
(le braquage)
n’est pas montré : une fois le générique de début achevé, on saute directement aux conséquences de celui-ci. S’inspirant clairement de L’Ultime Razzia de Stanley Kubrick, Tarantino continue ensuite à jouer avec les codes de narration
en alternant la suite de cet événement avec des flash-backs nous renseignant sur les différents protagonistes
. En outre, il intègre ses films dans un univers qui semblent réunir toutes ses œuvres
(Mr. White parle d’une certaine Alabama qui peut se référer au personnage du même nom de True Romance, Vic Vega est évoqué par le cinéaste dans ces interviews comme étant le frère du Vincent Vega de Pulp Fiction…)
. En outre, il réussit à enchainer les séquences d’une maitrise totale dont la plus mémorable est clairement la célébrissime séquence de torture qui utilise un aspect caractéristique de son travail : l’utilisation de la musique.
En effet, à l’image d’un Stanley Kubrick sur ces dernières œuvres et d’un Martin Scorsese sur beaucoup de ses films, Tarantino choisit d’utiliser des morceaux musicaux préexistants pour composer sa bande-originale. Le réalisateur-cinéphile qui s’amuse à mixer ses différentes références cinématographiques procède ainsi de la même manière avec la musique qui est ici composée de chansons populaires un peu oubliées. Tarantino réussit ainsi l’exploit dès son premier film à remettre au goût du jour de vieux tubes ainsi que des films parfois obscurs.
Enfin, Tarantino arrive pour un premier film signé par un inconnu à réunir un casting quatre étoiles à savoir Harvey Keitel (également coproducteur), Tim Roth (qui adopte un accent américain totalement convaincant alors qu’il est anglais), Michael Madsen, Steve Buscemi, Chris Penn, Lawrence Tierney, Quentin Tarantino lui-même et Edward Bunker (un authentique gangster).
Ainsi, Quentin Tarantino offre un coup d'essai particulièrement brillant, parfaitement ciselé (il est clairement le film le plus court du cinéaste
mais, si on lui cherche un défaut, on pourra juste trouver que le flashback concernant Mr. Orange est un peu long et peut casser légèrement le rythme
), d’une qualité cinématographique évidente et offrant des dialogues tout simplement brillants. Reservoir Dogs marquait de manière instantanée la naissance d’un des cinéastes les plus influents de sa génération !