Film noir interprété de façon remarquable Reservoir Dogs inaugure l’apparition météorique de Tarantino en tant que réalisateur phare du début du siècle…
Sa conception du cinéma (telle qu’il l’a défini lors de sa leçon inaugurale à Canne en 2008) s’inspire de De Palma, Scorcese et Leone…
Bref de la scène italienne de New-York… (Rentre dedans, tape à l’œil et commerciale à souhait !)
La « marginalité » de Tarantino en prend un coup !
Celle-ci d’ailleurs se nourrit d’une culture aussi exotique, que kitch résultant d’une boulimie insatiable de cinéma mélangeant les genres (Rohmer côtoyant Hawks !!!), les styles, la musique (rock essentiellement). Et c’est là, la source du talent de Tarantino !
« Reservoir Dogs » s’ouvre sur deux scènes d’anthologie…
Séparées par le générique, transition époustouflante…
La discussion sur « Like a virgin » de Madona, la référence à « La grande évasion » comme exemple de « drilling » campe les personnages insupportables et ignobles du film…
C’est moderne, nerveux, cru, vulgaire, sanguinolent, froidement violent, libéral-libertarien !
Toute la « culture » qui nous est imposée par le système y passe : films de seconde zone, musique commerciale d’une saison…
C’est vintage comme une chemise imprimée, comme un T-shirt à logo…
Beau comme un sulfure ou une toile de Bernard Buffet…
Sociétal comme une conversation de bistro !
Je reconnais le talent de Tarantino, mais je n’arrive pas à supporter son cinéma…
Pour moi, cette fresque de la violence exacerbée, en unité de temps de lieu et d’action, m’est insoutenable…
Par exemple la seconde scène qui s’ouvre à partir du fond noir du générique en gémissements et cris qui succèdent à un rock endiablé de belle facture est relevé par les commentateurs (Michel Ciment par exemple) comme une Pietà cinématographique…
Un mec ensanglanté blessé au ventre souffrant le martyre (Tarantino précise, en interview, que le foie a été percé et que la bile crée une douleur infernale) est soutenu par son complice…
Abjecte !
Je refuse ce réalisme cru et sadique dans une fiction qui finalement ne dit rien d’autre de l’homme que son animalité et sa perversité…
Il fallait que Tarantino soit…
Peut-être…
Mais cette expérimentation cinématographique de la violence abrupte focalisée en grand angle sur grand écran m’est insupportable.
L’expérimentation limite est peut-être nécessaire…
Elle fut riche et instructive dans d’autres domaines… Par exemple pour la peinture le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch emprunt de spiritualité…
Dans le cas de Tarantino, il s’agit, me semble t’il, d’une expérimentation limite, vaine.
Et son succès s’explique par la soif forcenée et de plus en plus grande, de sang, de souffrance exposée, de corps désarticulés et défigurés qui motive les médias….
Regardez plus de merde, de stupre et d’os brisés !
Accompagnez cela d’une musique rentre-dedans, minimaliste, pulsionnelle…
Osez la caméra sur l’épaule, les prises de vue en circulaire, les plans savants.
Refusez le cut (ça économise de la pellicule et garantit un jeu « living theater »)
Faites de la qualité formelle pour servir un reliquat idéologique de chiotte !
Vous serez encensé, adulé.
Et vous ferez du fric !