Si la finesse du dialogue de Sacha Guitry est plus qu'indiscutable et l'excellence de sa direction d'acteurs incontestable, l'ensemble n'évite cependant pas un certain ennui. C'est avec un oeil sur l'écran et l'autre sur le cadran de la pendule que j'ai vu passer les 95 minutes du seul film que Guitry a consacré à la musique. On sent que la biographie pourtant loin d'être inintéressante de cette cantatrice est plutôt un prétexte pour le grand artiste de mettre en scène quelqu'uns de ses bons mots plutôt qu'autre chose. De Guitry cinéaste, je préfére largement ces comédies légères (Ils étaient neuf célibataires,...) ou noires (La Poison,...) qu'à ses biographies ampoulées dont hélàs «La Malibran» est l'exemple-type.
Grand amateur de compositions de personnages illustres (Napoléon, Talleyrand, Pasteur...), Sacha Guitry n'a pas poussé la mégalomanie jusqu'à interpréter lui-même la Malibran. Au contraire, Guitry acteur est ici fort discret, comformément au rôle d'époux vite répudié de le Malibran. La cantatrice, muse des plus grands, en mourant jeune et en pleine gloire, accroît sans doute le caractère hagiographique et solennel d'une oeuvrette sans grande signification. Car, même s'il suit nécessairement des repères biographiques, Guitry habilite et encense l'artiste, tombée dans l'oubli malgré le film, bien qu'il ne fait qu'ébaucher sa personnalité. Et pour mieux nous convaincre de la grandeur de la très méconnue Malibran, Guitry la confronte à l'admiration des grands de l'époque: Musset, Rossini, le jeune Hugo, tel roi d'Italie... Les formules et les raccourcis de Guitry, son éloge tout entier, sont ceux d'un auteur dramatique bien plus que ceux d'un biographe. Par ailleurs, la mise en scène est terne et simpliste: des scènes d'intérieur introduites par un montage rudimentaire. Et que nous servent les nombreux airs d'opéra qui parsèment le film puiqu'ils ne sont pas de la voix de la Malibran? Un film mineur, un des moins réussis de son auteur.