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soulman
92 abonnés
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5,0
Publiée le 27 novembre 2022
De bruit et de fureur, picaresque, excessif, ce film tropical et insulaire d'Imamura s'attache à une famille maudite, dont tous les membres sont vus par leurs voisins comme des dégénérés. Sensuelle, brutale, cette œuvre exceptionnelle par sa durée et la puissance de ses images, est un monument dans la filmographie du cinéaste, que l'on pourra rapprocher du plus tardif "Eijanaika". De nombreuses scènes restent en mémoire, comme la fuite du couple incestueux vers l'île des Dieux, rattrapé et châtié par des villageois déchainés.
Tout se passe sur une île Japonaise passablement arriérée, et sur la mer qui l’entoure, la pêche constituant, avec l’agriculture (la canne à sucre remplaçant les ancestrales rizières), sa principale ressource. On parle de la « métropole » et de sa capitale Tokyo, et si certains personnages s’y déplacent, on ne la verra jamais. La nature est omniprésente, et grouillent en permanence insectes et reptiles, créatures récurrentes dans le cinéma de Imamura. Cette importance centrale de la nature et la façon de la filmer font penser au cinéma de Terrence Malick. Les dieux invoqués par la population sont d’ailleurs ceux de la pluie et du vent, dans ce monde où sont vivaces les ancestrales traditions, coutumes et superstitions. L’histoire est centrée sur une famille, représentée par trois générations, au sein de laquelle, comme dans une très belle et vieille chanson contant la naissance de l’île, l’inceste est monnaie courante. Cette histoire est tragique, et se termine dramatiquement, alors que la civilisation fait irruption sur l’île (on retrouve le symbole du bulldozer déjà vu dans « La femme insecte »). Le film est long, lent, contemplatif, et l’on sent l’ampleur du projet et des moyens mis en œuvre pour le réaliser. Il montre et raconte sans prise de position morale, et déroute souvent le spectateur, comme l’ingénieur qui représente la société moderne est lui-même dérouté. Il s’en dégage une impression générale de fort dépaysement, de voyage poétique, et de fascination pour un monde oscillant entre légende et dure réalité.
Le film est un grand fleuve où tous les thèmes de l'oeuvre d'Imamura se confrontent. Certains le rapprochent d'un Apocalypse Now; je dirais que c'est un curieux mélange de saveurs entre un Affreux Sale et Méchant (Scola) et Apocalypse Now (si je voulais vulgariser la chose). L'occidentalisation du Japon sous l'occupation américaine ; l'arrivée de la génération Coca-Cola et du capitalisme. Imamura dépeint la perte des rites et des traditions au profit de la philosophie de l'argent Roi qui gagne peu à peu cette petite communauté. Imamura filme ça avec les yeux d'un entomologiste, ainsi, dès l'ouverture, on découvre les pécheurs, et leurs partages équitables du fruit de leur labeur, un certain respect/équilibre entre les générations : le fils offre le plus beau morceau de poulpe à son père et garde le plus petit, etc. On comprend bien que cet équilibre va bientôt se rompre... Mais le film ne s'ouvre pas facilement aux spectateurs, puisqu'on suit une famille rejetée par la communauté, où l'inceste et la nymphomanie règnent. Si il est vrai qu'il possède quelques longueurs, une fois achevé, le film dévoile toute son envergure et sa richesse lors de l'épilogue
Dans la filmographie de Shohei Imamura, "Le profond désir des dieux" est ce que "Apocalypse Now" est à Coppola : une entreprise démente et mégalo qui coûta les yeux de la tête, qui cribla de dettes son réalisateur et qui poussa à bout chacun de ses acteurs. Il faut dire que cette vaste fresque familiale et sociologique de 3 heures est ambitieuse et encore aujourd'hui à sa vision elle a de quoi en dérouter plus d'un. Il faut déjà accepter de se laisser plonger dans le film sans pouvoir y comprendre toutes ses références à la culture nippone et il faut aussi supporter toute la bassesse humaine que le cinéaste filme comme personne. Le désir, l'inceste, la jalousie, la religion, la corruption, la violence... Tout y est comme si le film résumait à lui seul toute la thématique qui parcourt l’œuvre d'Imamura, nous plongeant dans les tourments habitant des personnages hauts en couleur et qui ne semblent vivre que par le désir en frôlant la folie. Isolés dans une île aussi magnifique que sauvage, les personnages jouent sous nos yeux un spectacle terrible et terrifiant dans lequel on peut apercevoir une foule d'éléments intéressants ne cessant de révéler au grand jour les obsessions d'un cinéaste qui n'a jamais caché son désir de filmer ses histoires à travers le regard le plus sociologique qui soit, montrant ce qui régit la société à travers le microcosme de l'île. Le tout filmé en couleurs avec de superbes plans dont la composition est franchement bluffante.