Les Amants diaboliques : les secrets du tournage

Les Amants diaboliques est l'adaptation pour le grand écran d'un roman noir de l'auteur américain James M. Cain paru en 1934. Intitulé Le Facteur sonne toujours deux fois, celui-ci donnera lieu à trois autres adaptations : Le Dernier Tournant de Pierre Chenal (1939),  Le Facteur sonne toujours deux fois de Tay Garnett en 1946 puis une nouvelle version homonyme avec Jack Nicholson et Jessica Lange (Bob Rafelson, 1981).

Les Amants diaboliques est marqué de l'empreinte de Jean Renoir. Une influence considérable pour Luchino Visconti qui commenca sa carrière en tant qu'assistant du metteur en scène français (sur Les Bas-Fonds et Une partie de campagne notamment). C'est à l'occasion du tournage de La Tosca que Jean Renoir (qui ne terminera pas le film pour des raisons politiques) soumet le manuscrit du Facteur sonne toujours deux fois à son jeune ami et collaborateur Luchino Visconti. Celui-ci, séduit, parvient alors à mettre en route l'adaptation cinématographique du roman de James M. Cain après plusieurs projets avortés en raison d'une censure italienne impassible.

Premier long métrage du cinéaste italien Luchino Visconti, Les Amants diaboliques est l'un des films précurseurs de la grande vague néo-réaliste qui prendra toute son ampleur entre le milieu des années 40 et le milieu des années 50. Le film critique de manière sous-jacente la vision fasciste de la société en présentant les amours scandaleuses et adultères de deux prolétaires, des êtres à mille lieues de l'Homme nouveau, vertueux et travailleur voulu par Mussolini. Les autorités fascistes de l'époque, à ce titre, mirent en chantier la destruction de la quasi-totalité des copies de ce long métrage qui exacerbait les corps et représentait le comédien Massimo Girotti comme un symbole de beauté et d'érotisme.

Une fois l'ère Mussolinienne passée, le mouvement artistique et politique du néo-réalisme prend réellement forme dans le contexte d'une Italie fragilisée par la guerre et le régime fasciste. Après dix ans de dictature, pendant lesquels le cinéma italien fut mis au service de la propagande, les cinéastes transalpins ressentent le besoin de s'émanciper avec des films jetant sur la réalité sociale d'après-guerre un regard brut et sans artifice. Parmi les grands films du courant néo-réaliste, retenons  Rome ville ouverte (Roberto Rossellini, 1945) ou Le Voleur de bicyclette (Vittorio De Sica, 1948).

Luchino Visconti, précurseur du mouvement néo-réaliste, en reprendra les rênes quelques années après Les Amants diaboliques avec des oeuvres telles que Bellissima (1951) ou  Les Vitelloni (1953).

C'est l'Italien Massimo Girotti qui tient la vedette des Amants diaboliques. Père du comédien Terence Hill, Girotti est un fidèle du cinéaste Luchino Visconti avec lequel il a tourné Senso (1954), Les Sorcières (1966) et L'Innocent (1976). Le comédien s'est également illustré dans Passion d'amour d'Ettore Scola et Le Monstre de Roberto Benigni.

Les Amants diaboliques ne sortira en France qu'en 1959, soit seize ans après sa réalisation. La raison de cette longue parenthèse : une affaire de droits, les Américains ayant porté à l'époque le roman de James M. Cain sur grand écran (Le Facteur sonne toujours deux fois, 1946).