The River (Le Fleuve, Jean Renoir, 1951) est un grand chef d’œuvre, et sans doute un des plus beaux films en couleurs comme le dit Scorsese dans un bonus du dvd Carlotta (2001) d’autant plus que la restauration superbe rend justice au Technicolor, à la photographie de Claude Renoir et aux éclairages de Subrata Mitra, qui deviendra le plus grand chef opérateur indien en travaillant avec le grand génie du cinéma Satyajit Ray qui est assistant sur ce film.
Renoir n’est pas de la même catégorie que ce grand génie-là mais il s’entoure de bons acteurs qu’il adore, de techniciens d’exception, il suit le scénario de l’anglo-indienne Rumer Godden à qui il abandonne totalement le récit, son caractère expansif et confiant fait le reste : grâce à la musique indienne qu’il choisit avec soin, à quatre « documentaires » (description du Gange, la fête de la lumière Diwali, les escaliers des rives, la cérémonie de mariage et la danse) insérés dans le film, la mayonnaise prend : on rentre dans l’atmosphère du Bengale et on tend à s’identifier à Arthur Shields (Docteur John), acteur fétiche de John Ford qui incarne un Anglais, veuf d’une Bengalie, devenu plus attaché à l’Inde que de nombreux indiens, comme cela est arrivé souvent. La fascination des couleurs, du rythme, des paysages, de la musique, des rites du Bengale fait le reste. Certes c’est de l’exotisme qui n’est pas indemne d’une facilité colonialiste puisque aucun problème de l’Inde des années 40 n’est réellement abordé. Mais il est dit, et il est clair que c’est la description d’une partie du Bengale vu par les yeux anglais.
J’avais vu cet détesté ce film en 70 avec les préjugés politiques de ma jeunesse. Je le revois aujourd’hui, après avoir étudié et aimé l’ensemble de l’œuvre de Satyajit Ray - l’un des quatre ou cinq plus grands cinéastes de tous les temps - et je comprends maintenant comme Le Fleuve a inspiré Ray, a été à l’origine de sa vocation et que de nombreux souvenirs de ce film reviennent dans ses plus grandes œuvres (Apu 59, Charulata 58, Le Salon de Musique 64).
The River est un grand film car il introduit à Satyajit Ray et honneur à Jean Renoir, un metteur en scène pas très constant parfois même assez nul, d’avoir réussi cet introduction .