Film noir parfois considéré comme un classique, un peu pétri il est vrai des mésaventures de son réalisateur, L’Enfer de la corruption est un métrage qui ne m’a pas vraiment emballé. Ça se laisse suivre, mais à mon sens le réalisateur ne met pas du tout en adéquation les ambitions scénaristiques de son métrage, avec les moyens et la longueur de son film !
Ok, sur le plan technique je dois dire que L’Enfer de la corruption remplit dans l’ensemble le cahier des charges. En dépit d’un minimalisme parfois très manifeste, le film bénéficie surtout d’une redoutable mise en scène. Polonsky offre une réalisation de tout premier ordre, dès le premier plan, et c’est LA grosse attraction de ce métrage qui, sans cela, aurait vraiment pu être quelconque. Le choix des cadrages est brillant, il y a un vrai travail de réalisation qui, parfois, m’a fait penser à Hitchcock. La photographie en noir et blanc est plutôt classieuse aussi, mais je ne doute pas que la restauration récente lui à donner un coup de jeune que beaucoup de films du temps n’ont pas encore pu gouter.
Non, le problème de ce film n’est pas visuel, il est scénaristique. Le film déploie des trésors d’ambition, mais au final on assiste à une sorte de pièce de théâtre, presque en huis clos par moment tant on va peu à l’extérieur, et entre les ellipses, les choses qu’il faut plus ou moins deviner, et la différence flagrante entre la grandiloquence du projet du héros et la réalité que l’on a à l’écran, L’Enfer de la corruption donne le sentiment de ne pas être achevé ! En fait le film a commis une erreur je pense : afficher sur le fond un projet qui pourrait nourrir un film de Scorsese de 3 heures sur les gangsters, et s’être concentré uniquement sur l’état moral de son héros ! C’est très ennuyeux car il y a plein de choses en arrière-plan qui semblent passionnantes, mais le film reste sur les états d’âmes, la mentalité, de Joe Morse, et semble du coup creux, et surtout, il donne l’impression d’être un pétard mouillé.
Le jeu des acteurs est globalement bon. John Garfield est honorable, Thomas Gomez est à mon sens la bonne surprise, et ses apparitions lui permette souvent de voler la vedette à Garfield, dont le personnage, virevoltant, n’est pas forcément facile à cerner, et n’est pas toujours d’une grande cohérence dans ses décisions et ses choix. Marie Windsor à l’instar de trop de seconds rôles aurait mérité une présence mieux dégrossie.
Bon, L’Enfer de la corruption n’est pas un mauvais film, mais je crois que Polonsky a filmé dans l’étroitesse du format d’une série B, un grand film qui aurait mérité 2 heures au moins, et des moyens pour développer toutes la partie concernant le projet du héros. Cette distinction est malheureusement très préjudiciable au film, en dépit d’une mise en scène virtuose. 2.5