Quel ravissement ! C'est le premier film de Godard que je tente (j'ai un peu honte de m'y prendre si tard), et j'ai été conquis du début à la fin, alors que je craignais terriblement de ne pas apprécier le style. Et pourtant, j'ai regardé le film ce matin et il m'est resté en tête toute la journée. La surprise a été de taille pour moi, et j'ai maintenant hâte de découvrir d'autres films du même genre. La seule chose qui m'embête, c'est de ne pas avoir les références ni les outils nécessaires pour analyser ce type de cinéma. J'ai savouré les plans, les dialogues, la réalisation du film, mais j'ai eu la sensation que mon manque de culture sur ce domaine m'a privé d'un tas de choses. N'ayant jamais suivi un seul cours de cinéma, ne connaissant pas la vie ni l'oeuvre de Godard, je n'ai pas les bases nécessaires à l'analyse de ce film, à la compréhension des mouvements de caméra, à la signification des thèmes abordés pour le cinéaste. Pour cette raison, je ne peux pas vraiment proposer d'analyse fine ou correcte de ce film (ça viendra peut-être avec les visionnages, au cours du temps). Comme toujours, je peux uniquement retranscrire ce que j'ai ressenti en voyant ce film, et ce que j'ai cru comprendre. Comme toujours, cette crtique sera purement subjective, appuyée sur mes sensations et émotions personnelles. ce n'est pas dérangeant en soi, mais c'est la première fois que ce manque de culture me gêne autant, car je sens bien que je suis loin d'avoir tout perçu. Mais bref, comme je l'ai dit, j'ai néanmoins savouré Vivre sa vie du début à la fin, j'ai dégusté chacun des 12 tableaux, ébloui par la qualité de la réalisation et le regard d'Anna Karina. Jean-Luc Godard ne cesse de sublimer cette actrice tout au long du film, chaque plan étant centré sur d'elle, sur son personnage captivant. Les cadrages sont travaillés, réfléchis et on sent que chacun des plans a été pensé, et même quasiment millimétré. On est bien loin du cinéma "facile" qui consiste à filmer les choses dans le seul but de les filmer. Vivre sa vie propose un panel magnifique de plans-séquences délicieux où chaque mouvement de caméra, chaque prise de vue a sa signification. J'ai par exemple trouvé le générique superbe, notamment le jeu d'ombre et de lumière sur le visage gracieux d'Anna Karina, visage lui-même dissimulé par l'affichage du casting comme pour appuyer le fait que cette femme n'est rien de plus qu'une actrice, comme pour rappeler que le film n'est rien de plus qu'un film. Et pourtant, le film et son personnage sont captivants et m'ont hypnotisé pendant 1h20, le regard d'Anna Karina étant tellement fascinant qu'il est difficile de s'en détacher. A travers ce personnage et 12 tableaux, Godard dépeint la vie d'une prostituée et sa recherche d'indépendance, de liberté, le titre "Vivre sa vie" prenant évidemment tout son sens. Le regard de l'actrice est souvent mélancolique, et certaines de ses expressions m'ont franchement troublé. Deux ou trois regards de tristesse furtifs, qui passent par-là l'espace d'une demie-seconde, m'ont fait leur petit effet sans que je sache vraiment pourquoi. Mention au regard caméra vers la fin du film lors de la discussion avec le philosophe, auquel je ne m'attendais pas mais qui m'a ému, pour une raison que j'ignore. Toute la discussion avec le philosophe est d'ailleurs savoureuse, j'étais pendu aux lèvres des deux personnages. Autre temps fort du film qui m'a ébloui : la danse du personnage principal dans la salle de billard. Encore une fois, j'ignore pourquoi cette scène m'a plu, peut-être est-ce le fait de voir ce personnage donner l'impression d'être heureuse, ou tout simplement le charme de l'actrice, mais j'ai adoré ce passage et notamment la musique "Swing Swing Swing" de Michel Legrand. Tant de scènes méritent d'être citées, comme l'émotion que suscite le film sur Jeanne d'Arc sur le personnage principal ou l'hommage aux films muets assez émouvant. Dans tous les cas, j'ai réellement apprécié le film qui m'a fait l'effet d'un petit choc dans ma vie cinématographique. C'était inattendu et c'était bon.