L’affiche française est trompeuse, laissant augurer un mélodrame. Mais il s’agit d’une comédie dramatique. Luchino Visconti, dans le courant du néoréalisme italien, porte un regard à la fois sur l’Italie des pauvres et sur l’Italie opulente de l’industrie cinématographique (qui fait rêver les pauvres). Un regard, d’une part, sans misérabilisme, qui croque plutôt avec amusement ou ironie des scènes de vie collective et plus spécifiquement la naïveté d’une femme du peuple face au mirage du cinéma, ainsi que sa faconde et ses petites manœuvres opportunistes. Un regard qui croque, d’autre part, l’envers du rêve de Cinecittà, avec ses profiteurs, ses comportements parfois cruels, ses déceptions. Illusion et désillusion. Visconti développe en outre une empathie pour son personnage principal, à travers sa dimension comique, sa façon de vivre ses propres rêves à travers sa fille et de rêver l’avenir de sa fille, mais aussi sa défense de la dignité, presque tragique, dans le dénouement (superbe séquence). La narration est ainsi déployée avec une belle variété de tons, avec intelligence et sensibilité. Et le film doit beaucoup à la prestation phénoménale d’Anna Magnani, entre exubérance, malice, sensualité, drôlerie, émotion. Quelle palette de jeu, quelle énergie…