Esther Kahn est à n'en pas douter le plus beau film d'Arnaud Desplechin, le plus horrible également !
Ce paradoxe ne saute pas tout de suite aux yeux, j'avais réellement une impression de découvrir une tout autre facette de ce réalisateur auquel je suis infiniment critique, notamment depuis une rétrospective de sept de ces longs métrages l'an dernier. L'astuce tiens un temps, puis le naturelle et la panoplie en héritage reviennent à grands pas ...
Tout partait si bien. De cette introduction dans ses ruelles, de son instauration aux décors ( exceptionnelles ! ), à la présentation de cette famille. Oui, tout m'avais captivé. La naissance du caractère sombre et profond de cet enfant qui gobe les bulles de savons à son entrée dans l'âge plus difficile de jeune femme, vraiment tout l'ensemble définissait là un portrait d'une liberté ardente et féru d'émancipation. De celà, il en restera quelques choses néanmoins, quelques miettes d'une victoire terne !
Arnaud Desplechin dans tous ses films dressent des profils ( façonne une pensée ), dans ces derniers, une ritournelle s'impose, La Femme est toujours tributaire et dépendante de l'Homme. Brillante et somptueuse parfois, mais inférieure. Esther Kahn n'échappe donc pas à la règle, au contraire, elle est la cible idoine pour la démonstration en sadisme imposé. Jeune et jolie, instable, rebelle, sauvage et vierge ...
De sa rencontre avec le diable ( ici appeler Nathan ) provient tout un quadrillage en bonne et du forme du système d'emprise. D'abord une main tendue, généreuse, qui prodigue conseil et leçon, ce dernier flair un filon et retrouve un nouveau rôle. Sa nouvelle fonction tiens a dompter la liberté et les désirs de cette rencontre, de les enfermer dans une cage, ou ici, de les exposer sur scène tel un animal de cirque à qui l'on fait dire et entendre par capitulation la raison par une autorité déguisé. On lui offre pour lui reprendre, par becquée sa destruction devient objet, on la soumet pour le regard ébahis d'un auditoire à divertir. C'est d'ailleurs avec un sourire que l'on accueille son automutilation, une drôle d'audace que de mâcher du verre !
En y repensant, le début du film déjà avais déjà un autre système de possession, je pense évidemment à cette voix off ( masculine ) qui décrit les pensées de cette jeune fille pousser à se découvrir. Celle-ci s'efface à mesure de la narration, il n'y en a plus vraiment recours il faut bien le dire.
Une troisième présence toxique se révèle au long de cette histoire, celle-ci se dénomme Phillipe. D'abord avenant, patient et tout autant direct, il manigance pour obtenir ce qu'il souhaite, ici le corps et l'âme d'Esther. Aussi fiévreuse et mordante soit-elle, elle reste encore innocente et naïve devant ce nouveau monde qu'elle découvre et qui la fascine. Les notions de vérité et mensonge assimilé et autant le dire assez trouble instauré par son maitre penseur ont de cesse de la perdre pour de bon. S'enchaine les " - Tu devrais " ... La voilà Captive.
Pas de puritanisme dans cette critique de cinéma fais par mon ressentit instantané. Mais soyons tout de même un peu
" honnête ", on connais l'histoire de ces femmes brisé par ses " envies " d'hommes. Le film ne s'en cache d'ailleurs pas. Comme je l'écris dans mon intro, le film est d'ailleurs immense selon moi. Un film malade, quasi obscène si je n'ose dire mais en touts point radical et incroyable de cynisme cyclique et perpétuel ... Le plus beau film formelle de son auteur, le plus abominable à vivre et ressentir pour tant sa violence est orchestré et assumé.
Esther Kahn est un film dont les images et la mise en scène de son réalisateur interpelle, rarement la caméra ne m'aura autant fais succombé à ses prises de vues aussi dingues et superbes. Les costumes et l'ancrage historique sont une autre stupeur magnifique pour ma rétine. La scène de dispute avec sa mère m'a pour ma pars concrètement fais halluciné tant elle survient après une petite accalmie alors que de petites colères précédait jusque-là les quelques séquences précédentes. C'est bien la caméra qui se " perd " dans cette esquive d'Esther qui époustoufle et embarque celle-ci vers le chemin qu'elle emprunte et désir. Un moment qui fait d'elle bien plus qu'un " model " selon Phillipe !
Voilà un film qui à mes yeux est tout un paradoxe et dont je continuerais à l'avenir de m'interroger. Aranud Desplechin aussi talentueux soit-il fabrique une filmographie à la fois ensorcelante - je choisis ce mot sans aucune once de hasard - et enivrante mais se restreint de par son mépris et sa suffisance, son scénariste entreprend lui une route tout aussi rutilante, le poids de l'héritage ?
Un film qu'il faut voir, revoir, je ne reste en rien hermétique à ce cinéma réflexive et emprunt à faire vivre de tel sensations fortes. Je me positionne en revanche complètement contre son prêche, si jamais je l'entend tel que je le comprend ici et maintenant !