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soniadidierkmurgia
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4,0
Publiée le 31 décembre 2016
En 1939, dans un Japon dont le gouvernement militaire a pactisé avec Hitler, Mizoguchi qui vient de rejoindre la Shochiku (studio de cinéma) doit comme ses collègues adapter son cinéma aux exigences du régime en place pour pouvoir continuer à travailler sans risquer d'être emprisonné ou envoyé au front. Ayant eu des problèmes avec la censure dès son premier film en qualité de réalisateur en 1922 ("Le jour où vint l'amour"), en raison de ses convictions humanistes et de sa sympathie pour la révolution de 1917 qui l'amènent à dénoncer les injustices sociales criantes qui fondent la société japonaise, il choisit donc en cette période de guerre où le cinéma nippon domine le monde en termes de production (560 films en 1936) de situer ses intrigues dans l'univers du théâtre qui le fascine depuis son enfance sous l'ère meiji. Cette thématique a pris naissance depuis la collaboration entamée avec le scénariste Yoshikata Yoda depuis "L'élégie d'Osaka" (1936). Il l'associe à son ami d'enfance Matsutara Kawaguchi pour l'adaptation d'un récit de Shafu Muramatsu qui donnera "Conte des chrysanthèmes tardifs". Mizoguchi suit le parcours sacrificiel d'une femme de modeste condition à travers le difficile cheminement de Kikunosuke (Shotaro Hanayagi) dans le monde du théâtre kabuki au sein duquel il doit succéder à son père, acteur célèbre. spoiler: La vérité sur son jeu de scène médiocre lui est cachée de tous au nom des convenances et du maintien de l'ordre établi qui sclérose et gangrène jusqu'au monde des arts comme le montre avec délectation Mizoguchi qui n'omet pas de montrer les rires sous cape après chaque représentation où servilement Kikunosuke va recevoir les compliments acidulés des proches de son père. Seule Otoku (Kakyuto Mori) la gouvernante du fils de ses parents lui révèle la vérité et lui propose de l'aider à progresser. Le jeune homme tombe amoureux et décide de braver l'autorité de son père pour épouser Otuku. Ce sera le renvoi de la jeune femme et le départ de Kikunosuke pour Osaka dans une troupe dirigée par son oncle. Les deux amoureux vont se retrouver et la progression de Kikunosuke, longue et difficile sera émaillée d'embûches. La récompense finale du succès véritable et du retour en grâce de Kikunosuke à Tokyo au sein de sa famille ne pourra s'obtenir sans le sacrifice d'Otuku . Une conclusion qui laisse à Mizoguchi l'occasion de nous offrir une scène déchirante dont il a le secret . On rejoint ici la thématique essentielle de l'œuvre de Mizoguchi qui touche à la condition des femmes complètement niées dans la société japonaise jusqu'au dénouement cataclysmique de la Seconde Guerre Mondiale. Filmé essentiellement en plans-séquences et sans aucun gros plan, "Conte des chrysanthèmes tardives" installe une certaine distance complètement en phase avec la place de l'individu au sein d'une société japonaise construite autour de la famille et du groupe. Ce parti pris esthétique renforce l'universalité du propos mais laisse aussi la part moins belle aux acteurs. Mizoguchi qui a derrière lui plus de soixante films dont beaucoup de films muets aujourd'hui disparus, affine encore son style qui va atteindre la perfection dans la toute dernière partie de sa carrière où la reconnaissance internationale viendra récompenser une dense et prolifique filmographie passée à creuser le même sillon d'une expression intimiste entièrement dédiée à la femme. Moins hétéroclite et épique que Kagemusha et plus lyrique qu'Ozu, Mizoguchi est encore aujourd'hui considéré comme une des maitres du cinéma japonais.
Voilà un film qui remet en question les valeurs traditionnelles du Japon: l’honneur de la famille, la réputation du patriarche. Mais le film aborde d’autres thèmes tout aussi passionnants: le jeune homme ne veut pas simplement exister au regard de ses parents, mais pour lui-même. Il refuse cette filiation trop facile, mais sa réussite sera au prix du sacrifice de cette servante, tragiquement amoureuse et prête à se perdre. C’est très beau quand l’art dépasse la vie même et sublime les êtres.
"Contes des chrysanthèmes tardifs" est l'histoire d'un comédien raté qui devient grand, d'un amour fou qui résiste à tout et d'une famille fracturée qui acclamera (peut-être) le fils exilé. Sous son allure de fresque tranquille aux longs plans-séquences qui viennent saisir l'évolution des émotions et les rapports entre les personnages, le film déploie des réflexions intimes sur l'amour en tant que sacrifice et de confiance en l'autre (Otoku), étroitement lié à l'émancipation d'un jeune acteur (Kikunosuke) à qui on ment pour le protéger, mais qui va, en quittant sa famille, subir des épreuves douloureuses (expérience dans un théâtre ambulant; misère sociale) qui vont le former et lui permettre de s'affirmer en tant qu'homme. Fort d'une écriture subtile et d'une mise en scène audacieuse, le film n'échappe pourtant pas à quelques longueurs qui se font ressentir du fait d'une lenteur assez exigeante. Un beau film, émouvant dans ses dernières minutes, qui me donne envie d'explorer davantage le cinéma de Kenji Mizoguchi.
Situé au XIXème siècle, ce classique de Kenji Mizoguchi fait penser aux grands romans français de cette période par son ampleur narrative qui place les protagonistes en prise directe avec les extrêmes que sont la misère sociale d'un côté et la richesse et la renommée de l'autre. Cette ampleur narrative est contrebalancée par le caractère intimiste de ce qui se joue, notamment à travers la relation des deux héros, qui glisse naturellement d'une affection pudique à un amour aussi fort que sacrificiel pour la jeune femme. Mizoguchi regarde ses personnages avec une certaine cruauté, certes, mais surtout avec une compassion et une empathie intenses, et les accompagne par de longs plans-séquences dont la sophistication plastique sait se faire oublier pour se mettre au service du récit et de ses enjeux. Ainsi, l'émotion discrètement accumulée pendant tout le film trouve un aboutissement dans une conclusion d'autant plus émouvante qu'elle évite soigneusement le piège du tire-larmes. À quelques longueurs près, c'est du grand cinéma.
Ce film date de 1939 et, bien que restauré (numérisation 4K ) , est d'une très mauvaise qualité technique avec une image peu nette d'un bout à l'autre et terne, sans contraste. L'histoire fait appel à des connaissances que je n'ai pas -il s'agit du kabuki et de ses us et coutumes- mais reste néanmoins tout à fait compréhensible. Cela semble très bien filmé, et la durée intimidante du film n'est pas un obstacle. Si les restaurateurs avaient disposé d'une copie meilleure, ce serait un bon Mizogushi..
En abordant des techniques encore balbutiantes (dont les fameux plans-séquences, baptisés « one scene, one cut ») Mizoguchi inaugure un réalisme cinématographique où la poésie prime autant que la vision sociale du cinéaste. Il rend hommage au théâtre japonais, à son éclat mais aussi à sa cruauté, à travers le récit de ce jeune acteur de kabuki, Kikunosuke Onoe, inspiré d’une histoire vraie. Pour l’amour d’une femme qui n’est pas de sa lignée, le jeune homme revendique son indépendance, sa liberté au risque de perdre ses privilèges et l’héritage familial. Celle d’une caste d’acteurs célèbres, à laquelle il déroge, n’étant pas un grand comédien. Encouragé par sa belle, il va néanmoins suivre les chemins d’un théâtre ambulant, et travailler dur, comprenant que le confort qu’il a perdu au profit d’une vie plus difficile lui sert dans son activité. Il en devient plus fort. Pour en savoir plus
Pas encore à l'apogée de son art et de sa carrière, Kenji Mizoguchi réalisait en 1939 ces "Contes des chrysanthèmes tardifs", histoire d'un acteur de théâtre mauvais tombant amoureux d'une servante, la seule personne à être honnête avec lui et à ne pas le flatter parce qu'il est le fils d'un grand nom de la société de Tokyo. Mélodrame aux thèmes passionnants, permettant à la femme de trouver un rôle majeur (elle est celle qui encourage l'acteur à continuer à jouer et à s'améliorer), le film souffre malheureusement de nombreuses longueurs et il aurait bien fallu supprimer une demi-heure à ses 2h20 pour qu'il captive notre attention de manière plus conséquente. Reste de belles idées et surtout la mise en place de la célèbre méthode de Mizoguchi dite "une scène/un plan", laissant libre cours au jeu des acteurs.
"Conte des chrysanthèmes tardifs" est présenté comme une des oeuvres les plus réputées de son auteur, et pourtant je dois avouer une très forte déception après sa vision. D'ores et déjà, le film contient un nombre considérable de longueurs qui n'ajoute absolument rien, supprimer carrément au moins trois quarts d'heure n'aurait pas été de trop. Ensuite, on ne trouve pas la fluidité du cinéaste pour la narration qui fera pour beaucoup dans la richesse d'oeuvres postérieures comme "Les Contes de la lune vague après la pluie" ou encore "Les amants crucifiés". Et pour finir, l'histoire n'échappe pas à de nombreux poncifs lourds du mélodrame. Reste que techniquement, Mizoguchi montrait en faisant un usage assez habile du plan-séquence à travers de lents mouvements de caméra et des plans larges soigneusement composés qu'il était déjà un as dans ce domaine.
Ce qui est le plus surprenant dans ce conte, c'est la mise en scène de Mizogushi : on a rarement vu une caméra aussi distante des personnages dans un récit aussi fort que le conte des chrysanthèmes tardifs. En effet, Mizogushi pose sa caméra et laisse les acteurs aller pour ainsi dire à leur guise, les suivant, mais toujours de loin. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'il n'arrive pas à nous arracher les larmes obligatoires à la conclusion de son histoire, car elle est effectivement triste à pleurer : le fils d'un célèbre acteur, choyé et même gâté depuis son enfance, s'enferme dans un jeu médiocre du fait de la condescendance des critiques. Ce n'est qu'après avoir côtoyé la plus grande misère pour avoir sacrifié sa richesse à l'amour d'une servante, qu'il revient au sommet. Mais rien n'est gratuit, et comme toujours chez Mizogushi, une fin heureuse s'accompagne nécessairement d'une part importante de souffrances et de regrets : c'est en fait la femme la véritable victime, qui aura sacrifié sa vie entière pour la carrière de son époux.
Une déception, toute relative cependant car je place Mizoguchi si haut dans la hiérarchie des réalisateurs que je m’attendais à un nouveau chef d’oeuvre. Ce n’est pas le cas ni sur la réalisation qui traine souvent et manque de grands instants d’émotions artistiques, ni sur le déroulement du scénario beaucoup trop lourd et répétif. Une réserve cependant: n’étant pas japonais il est vraisemblable que je sois passé à côté d’une grande partie de ce film qui repose sur une culture qui m’est inconnue et que je trouve ici très hermétique. Il reste bien sur de belles choses telle la longue séquence de l’ultime rencontre entre Kikunosuke et Otoku qui est signifiante, par contre on se passerait bien du parcours des bateaux qui n’est pas du tout interessant. Dix ans plus tard, à partir de 1950 Mizoguchi aura tant épuré sa mise en scène que l’admiration fera place à la moindre critique.
Qu'est-ce que ça a pu mal vieillir. Quand je pense que Citizen Kane est de la même année, la comparaison est difficile à tenir pour le film de Mikoguchi. Bon, alors je reconnais volontiers qu'il y a des idées de mise en scène qui se traduisent par de très jolis plans. Y a des passages nocturnes où les personnages marchent de nuit qui sont vraiment très beaux. Et puis le scénario tient les promesses du titre : "les contes" : oui car c'est vraiment un compte qu'on a là. Le scénario est digne des contes de princes et princesses. Mais le problème c'est que si sur un conte ça passe assez bien (court, bref), dans le film ça en devient presque rapidement crispant et l'intérêt diminue progressivement. Bien trop vite.
Je commence enfin la filmographie de Mizoguchi avec ce très beau film. Contes des chrysanthèmes tardifs situe son action dans un univers théâtral, teinté de drame familial, conjugal et social dans un Japon du début 20ème siècle. D’un point de vue visuel c’est franchement beau. Outre d’impeccables mouvements de caméra et une photographie soignée on a le droit à des séquences d’une puissance suggestive effarante. Les passages au théâtre vers la fin m’ont réellement secoué. Mizoguchi a teinté son film d’une grande touche poétique, peut-être parce que le film ressemble à une longue poésie. Mais en tout cas plastiquement parlant c’est juste beau et ça n’a rien de gratuit, il a cette capacité étonnante de peindre son espace scénique pour offrir quelque chose de visuellement transcendant. Après je n’ai pas adoré au point de l’élever au rang de chef d’œuvre, disons que je trouvais certains passages un peu longuets et le jeu des acteurs ne m’a pas trop convaincu, un jeu un peu trop figé et peu naturel à mon sens. Néanmoins cette belle œuvre m’a quand même beaucoup plu et ça m’encourage à découvrir davantage de Mizoguchi.
Conte des chrysanthèmes tardifs, de Kenji Mizoguchi (1939). Il n'est vraiment pas rare de voir comme thème principal, dans un film Japonais, les relations entre différent personnage: Couple, Parent/fils, grand parent/petit fils (on peut même avoir des variantes, comme grand père/couple !!). C'est assez courant et, heureusement, ils excellent dans ce genre. Celui-ci ne déroge pas à la règle. Il met en avant la relation (compliqué, sinon c'est pas marrant, entre un jeune maitre et une servante. Cette relation s'intègre dans une structure qui les dépasse: la famille, l'honneur, et le travail du jeune maitre. En effet pour la famille il est inconcevable que Kikunosuke Onoue (le jeune maitre) partage sa vie et se marie avec Otoku (la servante). Le travail du jeune Kiku (et non Kikoo !) est d'être acteur de Kabuki (sorte de théâtre Japonais, codifié et épique (merci wiki !)). Les filles tombent à ses pieds, malgré son manque de talent évident. Durant ces 2H30 (un peu moins), le couple essayera de concilier le tout: être en osmose avec la famille du jeune maitre; que ce dernier apprenne à être bon acteur; et que le couple vivent heureux, à deux. Très bon.
«Les contes des chrysanthèmes tardifs» (1939) de Mizoguchi est un monument de poésie cinématographique, digne, comme le sera encore «Cinq femmes autour d'Utamaro», des chefs-d'oeuvre des années 50. Le réalisateur japonais nous y dit ses convictions sur l'art, en nous contant le parcours d'un acteur de Kabuki, mais aussi et surtout en prenant soin d'élever le conte en question au rand de chef-d'oeuvre. Il faudrait des pages et des pages pour décrire minutieusement le génie avec lequel le réalisateur met en forme le contenu de ce bijou de poésie lyrique. Il faudrait d'abord évoquer son art incroyable de la composition du plan qui use de toutes les ressources des architectures intérieures japonaises, découpant l'espace de manière infiniment diverse pour y situer ses personnages de manière toujours signifiante, avec un usage étonnant de la profondeur de champ, mais aussi du hors-champ; ensuite son art subtil et ductile des mouvements de caméra, lesquels scandent le jeu et le discours des acteurs avec une plasticité étourdissante; ensuite son usage des éclairages, répartis sur diverses sources et dosés avec minutie; enfin le génie avec lequel il met tout cela en mouvement dans de longs plans-séquences qui composent une symphonie visuelle merveilleuse que je ne suis pas près d'évacuer de ma mémoire. J'épinglerai deux séquences exemplaires: celle de la première rencontre entre Otoku et Kikunosuke, filmée en contre-plongée, sous la forme d'un long travelling latéral évoquant la peinture sur rouleau; ensuite celle où Kikunosuke recherche Otoku dans un train et qui, usant à nouveau du travelling latéral et filmant le héros en arrière-fond du décor, procède à d'étonnantes accélérations du rythme. Citez-moi un seul réalisateur actuel dont l'art de l'organisation du mouvement et de l'espace arrive à la cheville de celui de Mizoguchi et je me transforme en cactus nain! Un film prodigieux!