A l’univers de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, nul n’est indifférent. Delicatessen marque les premiers pas sur grand écran du tandem de réalisateurs et créateurs, offrant à la France, en 1991, très ancrée au cinéma dit populaire, une comédie noire et fantastique qui déparait dans le décor. Très vite, le film devient soit source d’admiration, soit de répulsion. Oui, il fallait oser mettre en image un tel film il y a plus de vingt, sachant pertinemment que le travail ne serait pas salué de toute part. Malgré les nombreuses critiques, Jeunet et Caro s’ouvrent là de grands horizons, américains même, puisque quelques années plus tard, Jeunet, seul, reprendra la franchise Alien, tout en poursuivant une carrière très minutieuse qui aura toujours comme référence, et bien Delicatessen.
Ici, l’histoire est aussi farfelue que possible, ancrée dans aucune réalité connue, mixant science-fiction, horreur et comédie. C’est toutefois le coté comique de l’œuvre qui marque de son empreinte les nombreux inconditionnels du genre. Comédie à forte dose d’humour noire, mais surtout d’inventivité. S’il n’est pas nécessairement commode de s’acclimater à l’univers des créateurs, force est de constater qu’ils ont l’esprit aiguisés, beaucoup d’idées et une ambition démesurée, adaptant ici une comédie qui pourrait très bien se coucher sur les pages d’une bande dessinées Underground.
Le casting est quant à lui composer de véritables tronches. Dominique Pinon, l’inconditionnel de Jean-Pierre Jeunet mène la danse, suivi par Karin Viard, Rufus et ainsi de suite. Chaque personnage est littéralement fou, dérangé, aussi inadapté qu’il peut l’être à un univers qui se veut aussi effrayant qu’extravaguant, que drôle aussi. Inutile pour moi de tenter de vous résumer le pitch, le découvrir est une admirable leçon de cinéma. Liberté dans l’écriture, liberté dans la mise en scène d’où la forte proportion de teinte sépias et de lumières jaunâtres, mais aussi liberté de conscience puisque l’on rit ici de chose plutôt dérangeante et comme je l’ai dit, en 1991.
Un film immanquable qui se doit d’être vu au moins une fois, histoire de se forger son opinion. Si parfois Delicatessen fait preuve d’un esprit un peu brouillon, si quelques effets, scènes, sont plutôt laborieux, il n’en reste pas moins un exemple d’inventivité. 15/20