Tout le monde qui s'intéresse un tant soit peu au monde cinématographique a entendu parler du "Napoléon" d'Abel Gance, l'un des derniers succès du cinéma muet sorti en 1927. Sous l'influence de DW Griffith et notamment du film "Naissance d'une nation", Gance désirait développer six films centrés sur le Petit Caporal afin de raconter l'incroyable vie de celui qui fut Empereur. Outre son "Austerlitz", sorti en 1960, avec Pierre Mondy dans le rôle de Napoléon (film qui, malgré son budget faramineux n'a pas eu le succès escompté), on ne peut pas dire que Gance ait tenu sa promesse concernant ses six films. Son plus connu, donc, est ce "Napoléon" qui, encore de nos jours, attise la curiosité des cinéphiles. On comptabilise pas loin de 19 versions différentes de ce long-métrage (FF Coppola, lui, estime le nombre à 23!) dont la dernière en date, produite par Coppola d'ailleurs, dure 5h30. C'est sur cette dernière version que je vais m'attarder. Certes, 5h de film muet, ça peut paraître long. Très long. Toutefois, durant les quatre premières heures, on est littéralement scotchés devant la vie et les batailles menés par Napoléon (Albert Dieudonné). Commençant durant sa jeunesse et son éducation difficile à cause de sa différence culturelle par rapport aux autres élèves, les 45 premières minutes se concentrent sur les jeunes années de Bonaparte. Par la suite, les trois heures qui suivent relatent les événements de la Révolution Française tout en faisant le rapport avec les activités du Petit Caporal, de son retour en Corse jusqu'au siège de Toulon. Durant ces quatre premières heures, Gance fait de son long-métrage une oeuvre épique et passionnante, même si le personnage de Napoléon, loin d'être fidèle à l'Histoire, est fantasmé par le réalisateur qui en fait une icône dès les premières minutes. La vision qu'a Abel Gance de Bonaparte est celle d'une figure, quasiment divine, liée à la puissance et à la gloire de la France. On peut être d'accord ou non avec ce point de vue, quoi qu'il en soit, ces quatre heures, en matière de réalisation, de mise en scène, sont très avant gardistes. Gance était en avance sur son temps en matière de réalisation et ça se voit. Usage de trois caméras pour agrandir l'image, et ce 25 ans avant le CinémaScope, invention de ce qui sera appelé le "split screen", montage rythmé, "Napoléon" est une véritable oeuvre visionnaire. Dommage que la dernière heure, se focalisant sur les amours entre Napoléon et Joséphine de Beauharnais soit en décalage avec le reste. A partir de cette dernière partie, le rythme n'est plus là et des longueurs se font ressentir. Dommage. Dommage aussi que la conclusion, s'orientant sur la Campagne d'Italie, soit si courte, comme si Gance avait décidé de balayer cet épisode d'une traite, vite fait bien fait. Malgré une dernière heure en décalage avec le reste, ce "Napoléon" reste une pépite dans le domaine du cinéma muet, transformant les débuts de conquête du futur Empereur en véritable fresque épique. Certes, la durée est longue, mais que voulez vous... Quand on aime, on ne compte pas.