La Huitième femme de Barbe-Bleue est souvent louée comme une des grandes comédies des années 30, et je dois dire que c’est en effet une comédie très proprement faite, subtile et intelligente, qui appartient aux meilleurs morceaux de la filmographie de Lubitsch.
Le scénario est en effet d’une grande subtilité. Sur une durée courte, le réalisateur orchestre une comédie burlesque où l’amour (ou le désamour parfois) est roi. Dialogues plein d’intelligence, rythme entrainant, situations souvent très amusantes (avec peu de choses), La Huitième femme de Barbe-Bleue aurait facilement pu ressembler à un vaudeville simple, comme il y en a eu beaucoup à l’époque. C’était sans compter le sens de la narration du réalisateur, sa qualité d’écriture, et la fraicheur indéniable des acteurs. Car oui, si ce film réussi son coup, c’est évidemment grâce aux acteurs, sur lequel s’appuie toute l’histoire. La séquence des oignons par exemple, aurait facilement pu être très quelconque avec d’autres interprètes. C’est la finesse de leur jeu, et l’exceptionnelle complicité qu’ils ont réussi à imposer qui rend le film aussi savoureux. Gary Cooper et Claudette Colbert sont en effet très amusants tous deux, et leur confrontation est très drôle. Etincelant tous deux, ils s’amusent énormément de leurs rôles, et on sent une vraie complicité entre eux. On saluera aussi de bons seconds rôles, notamment David Niven.
Quant à la forme, Lubitsch s’amuse à multiplier les décors. Réalisateur toujours soucieux de la forme, spécialement du cadre de l’action, on retrouve son souci du détail ici, et le métrage respire aussi. Il y a des extérieurs (la séquence à la plage), ce qui tire le film de la pièce de théâtre, alors même qu’il est, si je ne m’abuse, adapté d’une pièce. La mise en scène est aussi très efficace, Lubitsch imposant un rythme alerte, et orchestrant toujours à merveille ses gags et ses situations, spécialement celle du « faux adultère », qui est tout de même un bijou d’orchestration et d’organisation.
En clair, je rejoins les critiques qui considère ce Lubitsch comme un si ce n’est son meilleur film. C’est de la comédie dans sa plus grande simplicité. Pas d’ambition particulière autre que d’amuser et de divertir, et cela avec une application et un sérieux qui aurait été celui d’une grande fresque historique. Précis, maitrisé, interprété par des acteurs excellents, voilà une comédie très plaisante. 5