Attention, ma critique contient des spoilers.
Malgré deux palmes d'or, Bille August n'est pas considéré comme un cinéaste majeur de son époque. Il est vrai que Pelle le conquérant est un film très académique et que Les meilleures intentions doit tout à son scénario écrit par Ingmar Bergman. Mais avant d'être ce cinéaste doublement primé à Cannes, Bille August était aussi un "petit" réalisateur qui faisait des films peut-être moins calibrés. Et c'est le cas avec Zappa.
Le sujet du film est le passage à l'âge adulte. Et particulièrement celui de Bjorn. Il vit des jours insouciants avec son meilleur ami Steen dans "La Cabane" une sorte de refuge où ils ont établi leur camp, comme une sorte de confrérie. Lorsque Bjorn propose à Steen de rajouter comme membre à leur groupe son ami Mulle, tout commence à clocher.
C'est normal. Mulle représente encore l'enfant. Il joue à la fête forraine, il s'amuse avec des voitures, il fait physiquement beaucoup plus jeune, il a un comportement encore assez puéril et il n'est pas encore un jeune homme. Lorsqu'il est convié à La Cabane, il n'y voit qu'une sorte de nouveau jeu et arrive en faisant des grands bruits, portant sur son dos un enfant. Le symbole est assez clair à comprendre (certains diront lourds).
Steen, quant à lui, est déjà prêt à entrer dans l'âge adulte. Il n'attend que ça. La Cabane est une sorte de club privé avant l'heure, il s'intéresse à l'alcool, aux cigarettes, aux filles. Il veut absolument se détacher de son image puéril et s'affirmer en tant qu'adulte. Cela passe bien sûr par un rejet de l?autorité, on le voit de façon assez nette dans les scènes les plus ratés du film qui sont celles se déroulant entre Steen et ses parents, plombés par un côté explicatif sur la psychologie de Steen particulièrement pesantes et très emprises de lieux communs.
Au milieu de ces deux là, se trouve Steen, qui n'est ni un enfant, ni un adulte. Il va devoir cheminer tout seul pour trouver sa place. Complètement aveuglé par le charisme de Steen, il le suit comme s'il était son guide pour grandir, un guide dont il ne pourrait se passer. Il le suit jusqu'à commettre des actes irresponsables dont il n'a pas conscience de leur portée. Il faudra qu'il attende la fin du film pour que Bjorn comprenne qu'il n'a pas besoin de lui et qu'il se mette définitivement en rébellion face à ce modèle dont il ne veut plus. Il a déjà cheminé de son côté, notamment dans des scènes assez téléphonées sur son éducation amoureuse et sexuelle.
Bjorn est aussi le témoin constant des humiliations de Steen envers Mulle. Le film devient vraiment bon dans ces moments là où tout d'un coup il devient d'une lâcheté extrême et silencieuse. Car le film est aussi un joli témoignage sur l'amitié et Bille August fait preuve de beaucoup de sobriété à ce sujet, contrairement aux scènes parentales et amoureuses. Il ne cherche pas à s'épancher là dessus et à l'aide de quelques regards ou de non dits on comprend tout d'un coup la violence extrême dont il est question dans ces rapports dont aucun ne sort grandit. Steen est complètement isolé et perd son seul ami, Mulle voit sa vit radicalement changé et Bjorn va devoir retrouver confiance en lui après s'être comporté lâchement tout au long du film. C'est assez intéressant car il n'est pas question de proposer de happy end où à la fin tout est oublié. Non, ces personnages sont dans un âge où on cherche à s'affirmer et où on est à la croisée des chemins.
Chacun finira par suivre le sien.