L'histoire de trois américains travailleurs pauvres, dans un engrenage qui va se terminer comme il se doit. Le syndrome "Solaris" a encore frappé. Soderbergh peut être très lourd quand il se sent dépositaire d'un "message" où toute tentative de cinéma hollywoodien serait contre nature. Passé ce désagrément d'un film lent, peu amène, indigeste et d'une qualité de grain typée reportage, on cherche à savoir où il veut en venir. Et on ne le sait que quand on réfléchit le lendemain de la séance... Du moins on le devine.
Ce film d'un nouveau genre vaut la peine d'être vu, ne serait ce que pour deviner les différentes facettes d'un réalisateur intelligent et virtuose. Qui parfois voudrait prendre un peu de temps pour explorer des voies différentes d'un cinéma d'auteur.
Au niveau déontologie, pas de problèmes, boîte de production indépendante et inconnue (pas de risque de tâche sur le "produit" Soderbergh), acteurs non professionnels correctement dirigés, cadrages pro mais pellicule de reportage, et musique pas chère (juste une guitare) mais superbe.
Tout ce qu'il faut pour tourner la tête tranquille et s'attacher uniquement au sujet. Toute scène d'action est proscrite, notamment celle qui expliquerait tout, on s'ennuie ferme dans ce qui fait la vie de tous les jours des américains sous citoyens, ceux qui doivent cumuler 2 ou 3 boulots/bidouilles pour simplement avoir le droit de dormir dans un mobil home. Contrairement à ce que j'ai lu ailleurs, et contrairement à un Chatillez, on ne sent pas une haine du réalisateur pro pour ses personnages. C'est manifestement une critique de l'Amérique quand elle ne peut plus pourvoir à la vie digne de ses concitoyens, même ceux qui veulent travailler. Mais surtout, une
démonstration du vide intersidéral de la vie dans les provinces américaines, dont les distances et la dépendance à la voiture est encore plus angoissante que dans nos "petites" campagnes.
Tout le reste n'est que le déroulement logique de ces petites existences où un dollar est toujours bon à prendre.
On peut être plus réservé sur la critique de la religion, puisque la logique de certains personnages semble en désaccord avec leurs croyances. Mais après tout, le reste du scénario ne souffre d'aucune lacune.
C'est un film désincarné, qui évite à tout prix le sensationnel, l'anecdote ou l'action, pour aller à l'essentiel, les comportements humains face à l'absence de perspective, à l'ennui, et au désoeuvrement. Quand tout tourne autour de l'espérance d'un dollar supplémentaire pour espérer passer un dimanche plus intéressant ou plaire à l'élu de son coeur, la vie vaut-elle vraiment d'être vécue, ou d'être respectée ?
C'est la question intéressante d'un plus que riche, et c'est sans doute la mentalité qui habite la plupart des grands de ce monde pour qui la vie de la populace n'a non seulement plus aucune valeur, mais aussi plus aucun intérêt.