Martha est ouvrière dans une fabrique de poupées, quelque part au fin fond de l'Amérique industrieuse. Elle vit seule avec son père malade, n'ayant pas assez d'argent pour lui payer une maison de retraite. Elle a pour seule relation Kyle, un collègue qui doit cumuler deux boulots pour économiser. Une nouvelle ouvrière est embauchée, Rose. Elle vit avec sa fille de deux ans, fait le ménage dans une maison où elle en profite pour se baigner dans le jacuzzi, et rêve de quitter ce trou perdu. Un soir, elle sort avec Kyle, laissant sa fille à la garde de Martha. A son retour, son ex vient lui faire une scène, l'accusant d'être venue voler de l'argent chez lui. Mais le lendemain, on trouve le corps sans vie de Rose dans sa maison...
"Bubble" est l'antithèse de "Ocean Eleven", grands mouvements de caméra virtuoses et pléiade de stars. Tourné en numérique avec des acteurs amateurs, il évoque par l'absence délibérée d'artifices la démarche du Dogme : plans fixes ou simples panoramiques, musique réduite à quelques accords de guitare, jeu minimaliste et montage cut. Jusqu'aux deux-tiers de ce film au format particulièrement court, on a l'impression de suivre un documentaire sur cette Amérique entrevue dans "Norma Rae" ou "Bowling for Columbine", celle des petits blancs vivant dans des mobile homes, devant cumuler les petits boulots pour s'en sortir, et compenser leur absence de couverture sociale.
Et puis, le film bascule dans la fiction avec le meurtre de Rose, même si l'intrigue continue à nous être racontée avec la même sécheresse. Car c'est là où le bât blesse : si Soderbergh a certainement pris du plaisir à tourner ainsi, le spectateur européen a une impression de déjà-vu, du côté du Lars van Trier du Dogme ou des frères Dardenne, même si on est plus prêt de Benoît Dumont par l'absence total de lyrisme et le quasi autisme de ses acteurs.
Là où un Gus Van Sant, tout en utilisant aussi peu d'esbrouffe technique, réussit à installer une ambiance hypnothique et fascinante, Soderbergh ne réussit à sortir de l'absence d'émotion de ses personnages que dans quelques plans furtifs des poupées démembrées dans les moules de l'usine, à la fois poétiques et inquiétants. Alors, ce qu'on retiendra de ce film finalement assez ennuyeux, c'est plus la démarche de production de Soderbergh : "Bubble" est sorti le même jour en salles, en DVD et en téléchargement payant sur internet. Tout cela ne suffit pas à en faire un véritable événement cinématographique.
http://www.critiquesclunysiennes.com/