L'Accordeur de tremblements de terre est une libre adaptation du roman d'Adolpho Bioy Casares, L'Invention de Morel, qui, selon les frères Quay, "associe au fantastique un élément de science-fiction dans un style on ne peut plus poétique". Pour ces derniers, le film est également proche du Château des Carpates de Jules Verne où un baron est obsédé par une cantatrice célèbre qu'il enlève et emmène dans les Carpates.
Les deux cinéastes ont par ailleurs puisé leur inspiration dans Locus Solus de Raymond Roussel, un ouvrage où l'on trouve d'étranges machines qui ressemblent à des tableaux vivants. Quant au nom de Droz, qui sonne comme un nom de science-fiction, il fait référence à Jacquet-Droz, un célèbre créateur d'automates du XVIIIème siècle.
Les frères Quay souhaitaient intégrer beaucoup d'animation dans ce long métrage et ainsi l'incorporer aux scènes tournées avec les comédiens. "Avoir, en quelque sorte, des comédiens qui se déplaceraient dans des décors de poupées, expliquent-ils. Nous voulions parvenir à cette intégration, ou désintégration par moments, car il y a aussi un glissement où l'on espère que le royaume des poupées va s'immiscer dans celui des humains et vice versa. Nous recherchions un état intermédiaire où l'on ne sache plus trop dans quel monde on se trouve."
Les frères Quay ont écrit le rôle d'Assumpta pour Assumpta Serna il y a dix ans. "Nous voulions un personnage très séduisant, enchanteur, expliquent-ils. "Sa "carnallité" nous a attirés. Quant à Amira Casar, elle a cette beauté de porcelaine : nous étions fascinés par l'idée de son immobilité, qui est bien sûr habituellement difficile à accepter pour une actrice, qui préférerait qu'on la voit en train de jouer qu'être impassible. Et sa mère était une cantatrice, Amira connaît donc bien l'opéra."
Les frères Quay retrouvent ici deux comédiens qu'ils avaient déjà dirigés dans Institut Benjamenta : Gottfried John et César Sarachu. "Nous aimons énormément la stature de Gottfried John, son attitude distante et son côté majestueux, expliquent-ils. Quant à César Sarachu, il possède selon eux "une véritable innocence et un tour vraiment comique".
L'Accordeur de tremblements de terre a été tourné dans un immense studio à Leipzig. "De nombreux décors n'étaient construits qu'en partie, l'autre partie étant constituée d'écrans verts pour l'incrustation numérique, racontent les frères Quay. Nous avons tout conçu de manière à ce que les intérieurs puissent être tournés sur le même plateau : il nous fallait un bord de mer, un bout de forêt, et une chapelle pour les automates, transformée sept fois par les changements de décors. Ce travail de conception est très proche de ce qu'on fait au théâtre."
C'est par ailleurs la première fois que les deux réalisateurs utilisent véritablement le numérique, tournant les scènes avec les acteurs en TVHD et incrustant l'animation entièrement filmée avec un appareil photo numérique Nikon.
L'Accordeur de tremblements de terre contient quelques références picturales, la principale étant L'Ile des morts (1880) du peintre suisse Arnold Böcklin. "Le décor devait être isolé, faire vraiment sentir que c'était "L'Ile des morts", ou même comme celle de "L'Avventura", à l'écart du monde, confient les deux frères. Le domaine faisait penser à une villa portugaise isolée. Il y a un endroit au Portugal, Buçaco, où nous avons immédiatement pensé aux automates sous la forme de stations de la croix. Le baroque portugais a été une grande influence, et tout le thème du tremblement de terre est intimement lié au Portugal, à cause de celui de Lisbonne en 1755."
Une autre référence est la célèbre toile de Magritte, L'Empire des lumières. "Le ciel est peint en plein jour tandis que le reste est plongé dans l'obscurité", ajoutent-ils.
Avec L'Accordeur de tremblements de terre, les frères Quay poursuivent la collaboration qu'ils avaient entamée avec le directeur de la photographie Nicholas D. Knowland sur Institut Benjamenta en 1995. "Nous sommes impitoyables en ce qui concerne le cadrage, racontent les frères cinéastes, mais Nic a véritablement libéré la caméra sur ce film. Sur Institut Benjamenta, elle était très distante. Ici, il y avait quelque chose de plus sensuel. Il a défendu l'idée du Scope comme considération essentielle."