Maintenu au rang prestigieux de plus gros succès de l'histoire du cinéma pendant dix ans, Avatar, archétype du blockbuster américain, cumule les performances techniques pour servir le thème de prédilection de James Cameron : la protection de l'environnement.
Bien que le projet d'Avatar existe depuis 1994, James Cameron a choisi de repousser sa réalisation car les techniques d'effets spéciaux de l'époque n'étaient pas suffisamment développées pour retranscrire l'univers de la planète Pandora le plus fidèlement possible. Ce n'est qu'au début des années 2000, grâce aux avancées technologiques dans l'animation des personnages en images de synthèse (Gollum dans Le Seigneur des anneaux et Davy Jones dans Pirates des Caraïbes) que Cameron se décide à concrétiser son projet dès 2006. Après de longues hésitations quant au financement du film, qui s'expliquent par les dépassements de budgets et de retards lors du tournage de Titanic, la Fox finit par accepter la proposition de James Cameron, Entouré d'une équipe pluridisciplinaire constituée de linguistes, physiologistes et de deux départements artistiques, le cinéaste engagé enrichit et complexifie le monde imaginaire qu'il est en train de faire naître ex nihilo. D'ailleurs, d'après un article du Times, en plus de cumuler des records au box-office mondial, ce film ne compte pas moins de 1000 personnes dévouées à sa réalisation, un nombre très élevé.
Le tournage commence en 2007 et alterne entre séquences classiques (60% du film d'après Cameron) et scènes tournées grâce à la capture de mouvement (40%). En plus de soumettre les acteurs à un entraînement particulier selon les compétences de leur personnage (combat à mains nues ou entraînement au tir à l’arc, équitation), ainsi que de leur proposer une formation d’apprentissage de la langue Na’vi issue de son imaginaire, James Cameron fit preuve d’inventivité dans l’usage des effets spéciaux et œuvra à la réalisation de certaines innovations : création de la plus grande pièce existante dédiée à la capture de mouvement, progrès en matière de capture des expressions faciales, visualisation en temps réel des images de synthèse pour une meilleure immersion.
Et il s’agit bien de ces progrès en matière d’effets spéciaux et visuels qui a fait tout le succès du film, car pour le reste, il faut tout de même reconnaître quelques lacunes, principalement au niveau du scénario. Malgré l’intention honorable de délivrer un message pédagogique visant à sensibiliser le public à la protection de l’environnement, l’affrontement entre des méchants qui conduisent des bulldozers pour détruire des arbres et des gentils qui vivent dans la forêt et la défendent relève davantage du niveau scénaristique d’un film Disney. A l’exception d’effets visuels exceptionnels et de la prestation convaincante de Zoé Saldana qui, bien que dissimulée sous l’apparence d’un personnage virtuel, parvient à communiquer des expressions faciales soignées et travaillées, le reste du film se perd dans de pseudos histoires sentimentales, des rites initiatiques frôlant l’humour enfantin (le parcours d’apprentissage de Jake Sully dans la jungle peut d’ailleurs faire penser à celui de Tarzan, inspiration reconnue par Cameron) et des conflits intérieurs à l’issue largement prévisible.
Au sujet de la distribution, celle-ci présente de nombreuses têtes d’affiche, un classique dans le registre des blockbusters mais qui n’en est pas moins regrettable. Sam Worthington, protagoniste principal, obtient la reconnaissance internationale grâce à ce rôle, tout comme Zoé Saldana, bien qu’elle ait déjà été repérée l’année précédente dans un autre blockbuster : Star Trek. La présence de Sigourney Weaver dans un complexe scientifique et futuriste offre un joli clin d’œil aux fans d’Aliens, près de 25 ans après sa dernière collaboration avec Cameron dans le deuxième volet de la saga. Comme souvent, Stephen Lang campe le rôle stéréotype qui lui colle à la peau mais lui réussit, celui du chef militaire partisan de la force et de l’autorité face à la diplomatie et la négociation. Sa prestation dans Avatar fait d’ailleurs penser à celle qu’il réalise deux ans plus tard dans Terra Nova, où il incarne le commandant Taylor dans la jungle luxuriante d’une planète Terre bien plus jeune que la nôtre. Enfin, le troisième rôle féminin est tenu par Michelle Rodriguez, elle-aussi habituée à jouer des femmes énergiques, intrépides et casse-cou, et qui n’est donc pas déstabilisée par son rôle militaire dans Avatar.
Avec un budget de près de 400 millions de dollars, Avatar reste comme l’un des films les plus coûteux de l’histoire, mais son succès au box-office offre des recettes nettement supérieures. Premier film à atteindre la barre symbolique des 2 milliards de dollars de bénéfice, cette superproduction détrône Titanic, une autre création de Cameron, en tête des films les plus rentables de l’histoire, occupant cette place pendant dix ans jusqu’à la sortie d’Avengers Endgame. Au total, ce ne sont pas moins de 2,8 milliards de dollars qui sont récoltés, qui peuvent en partie être expliqués par le prix plus élevé des nombreuses projections en 3D (aux Etats-Unis, 90% des séances ont concerné des salles projetant le film en 3D). Néanmoins, cette indication n’est que mineure au regard du succès considérable d’Avatar, y compris en France : près de 15 millions d’entrées (septième meilleure place de l’histoire du box-office français) et 175 millions de dollars de recettes (8% des recettes mondiales). Les nominations sont nombreuses lors des différentes cérémonies de remises de prix mais les principales récompenses obtenues concernent assez logiquement les effets spéciaux (Oscar 2010 des meilleurs effets visuels notamment, remporté sans grand suspens).
En conclusion, une mention honorable à l’effort technique et à la complexité de cet univers fantastique, mais l’intrigue reste assez plate, avec une thématique environnementale qui sent le réchauffé et un lyrisme qui effleure la minauderie.