Alors que la sortie d’« Avatar 2 » est annoncée pour 2022, en attendant trois autres épisodes dont les sorties successives sont prévues jusqu’en 2028, on peut s’étonner du peu d’engouement suscité par la saga qui s’annonce suite au plus gros succès du cinéma mondial de tous les temps en termes de box-office. La survenue de la pandémie COVID-19 ne suffit pas à expliquer cette apathie inattendue des fans du premier opus, datant désormais de douze ans. L’explication est peut-être ailleurs. La trop longue attente sans doute mais aussi les limites du cinéma proposé par James Cameron depuis ses débuts. Formidable technicien et meneur d’hommes, il n’a pas son pareil pour livrer des films à la pointe des toutes dernières technologies qu’il maîtrise parfaitement avant tous les autres. Depuis 1981 et la sortie de son premier long métrage (« Piranhas 2 »), James Cameron n’a fait que gravir les échelons, s’attelant tout au long de ses sept autres fictions à surpasser les prouesses visuelles du film précédent. N’ayant connu aucun échec commercial, James Cameron devenu le cinéaste le plus rentable de tous les temps est une autorité reconnue et vénérée à Hollywood qui ne chérit réellement que la rentabilité. L’humilité de l’homme qui n’est pas forcément sa qualité première n’a certes pas été encouragée au développement par les louanges qui accompagnent chacune de ses initiatives. Son art s’en ressent fatalement, au sein duquel la poésie a du mal à émerger de la perfection technique qui déclenche des émotions plutôt contraires chez le spectateur sans aucun doute admiratif mais finalement plutôt rassasié et étourdi à la fin de chacun des films du réalisateur. Ce tropisme est d’autant plus accentué que James Cameron écrit lui-même ses scénarios. Sur des films purement d’action comme « Aliens, le retour » ou « Terminator », la double casquette que porte James Cameron est plutôt à son avantage, lui permettant d’adapter au mieux son intrigue à ses ambitions visuelles qui commandent souvent le reste. L’affaire se corse quand il s’agit de jouer sur le registre de la comédie (« True Lies ») ou sur celui de l’émotion. Son « Titanic » remarquable techniquement et magnifiquement promu grâce à l’apport de son duo d’acteurs charismatique (Leonardo DiCaprio et Kate Winslet) et de sa chanson phare (« My heart will go on » interprétée par Céline Dion), a été un colossal succès, décrochant 11 Oscars qui firent s’exclamer le soir de la cérémonie par James Cameron : « je suis le roi du monde ! ». Une seconde vision quelques années après sa sortie, montre qu’une fois l’effet de surprise et le blast promotionnel passés, le film se révèle plutôt froid et souvent désincarné. Devenu le roi d’Hollywood plus sûrement que celui du monde, James Cameron pouvait enfin se consacrer à « Avatar » dont il nourrissait le projet depuis 1994. Méta-film, « Avatar » a pour ambition de concurrencer la saga du « Seigneur des anneaux » adaptée de l’œuvre de J.R.R. Tolkien par le néo-zélandais Peter Jackson. Seul aux commandes de son énorme vaisseau amiral, James Cameron a pour ambition de faire toucher du doigt au spectateur ce qu’aurait pu être la voie de la sagesse pour l’homme à travers la civilisation Na’vi, vivant en pleine harmonie avec son environnement sur la planète Pandora. Une planète que bien sûr l’homme entend coloniser pour en tirer toutes les ressources comme il l’a fait de sa propre planète devenue complétement inhospitalière car asséchée de tout minerai. On le sent très vite, le réalisateur a un message à faire passer. L’homme est incorrigible, incapable de surmonter son statut de mortel qui le pousse à détruire tout ce qui ne lui ressemble pas ou le gêne dans sa propre survie. A travers l’acteur spécialisé dans les films d’action, Stephen Lang muni de son robot articulé qu’il chevauche pour devenir un super Terminator, c’est James Cameron que l’on voit venir avec ses gros sabots pour assener sa philosophie à grands coups de poings dans la face. Il lui aurait été possible comme il avait si bien commencé à le faire de nous émerveiller durant les deux heures trente du film de la possibilité pour l’homme d’enfin comprendre que massacrer les Na’vi comme autrefois les Indiens ou autres aborigènes, le conduirait dans la même impasse. Mais James Cameron avait comme toujours besoin d’assouvir sa soif de grand spectacle qu’il ne conçoit pas sans une bonne dose de fusillades et de destruction de bâtiments (ici la nature luxuriante de Pandora). Stephen Lang devenu une caricature bodybuildée du lieutenant-colonel Bill Kilgore interprété par le grand Robert Duvall dans le non moins grand « Apocalypse now » (1979) de Francis Ford Coppola fait peine à voir, débitant des dialogues ineptes, loin d’avoir la folie poétique des saillies grandioses de celui qui aimait conduire son escadrille d’hélicoptères au son de « la Chevauchée des Walkyries » de Wagner pour nettoyer d’un tapis de bombes les plages vietnamiennes afin que ses hommes fassent du surf . L’opération terminée, lui faisant déclarer : « Ne rien aimer tant que l’odeur du napalm au petit matin ». On est très loin du compte avec les borborygmes hurlés par Stephen Lang. Même Sigourney Weaver, la célèbre Ripley de la saga « Aliens » qui connaît bien Cameron semble un peu perplexe face aux attentes contradictoires de son réalisateur. C’est le temps qui trie le grain de l’ivraie. Pas sûr que les énormes bénéfices qu’auront généré les films de James Cameron suffiront pour lui ouvrir les portes du panthéon des réalisateurs dont l’œuvre est incontournable et intemporelle.