S’il y a une chose qu’on ne peut reprocher à Danny Boyle, c’est de ne pas être un touche à tout au vu de sa filmographie : thiller à l’humour noir ("Petits Meurtres entre Amis"), drame intimiste et social ("Trainspotting"), comédie d’action ("Une Vie Moins Ordinaire"), film d’aventures loufoque ("La Plage"), film d’horreur viscéral ("28 Jours Plus Tard") et fable teintée de cynisme ("Millions"). Et à chaque nouveau film, on se demande toujours sur quoi va porter le récit…alors, qu’en est-il de "Sunshine" ? Et bien c’est simple, cette fois-ci notre ami britannique va s’attaquer à la science-fiction, et plus particulièrement la catastrophe spatiale : nous sommes en 2057, le soleil se meurt peu à peu, entraînant donc avec lui dans son déclin notre belle planète bleue. Afin de tenter de le raviver, les hommes décidèrent d’envoyer un vaisseau spatial, Icarus, avec une énorme bombe atomique. 7 ans après leur départ, Icarus ne donne plus de nouvelles et semble être perdu dans l’espace. Les humains décident donc d’utiliser toutes les dernières ressources de la planète pour construire un nouveau vaisseau ainsi qu’une nouvelle bombe. C’est ainsi que l’on va suivre l’équipage de Icarus 2 dans leur mission : faire exploser la bombe à la surface du soleil pour relancer son activité... Pitch assez simple vous me direz, d’autant plus que ce n’est pas la première fois dans l’histoire du cinéma que notre belle planète est menacée par un élément spatial ("La Fin des Mondes", "Meteor", "Armageddon", "Le Choc des Mondes", "Judgment Day", "Deep Impact", "Prédictions"…pour ne citer qu’eux !) mais soyons franc, ce n’est pas le plus important du film (un postulat de base déjà vu ne signifie pas obligatoirement que le film est mauvais !), d’autant plus Danny Boyle nous livre un film à la beauté visuelle rarement vu dans un film de SF ; tout est fait pour nous bien faire comprendre l’échelle spatiale des choses, le but étant de mettre en valeur le gigantisme de notre étoile, le Soleil : 01) prenez par exemple le vaisseau Icarus 2 qui est en trois parties : un bouclier pour protéger la bombe et la partie habitable contre les vents solaires et leur terrible chaleur, la bombe censée revigorer le Soleil et la partie habitable. Au fur et à mesure des premières scènes, on voit que la partie habitable est déjà spacieuse entre les contrôles, les cabines personnelles, la serre à oxygène…mais lorsqu’on nous dit que la masse de la bombe est comparable à l’île de Manhattan et qu’elle paraît petite par rapport au bouclier à l’avant du vaisseau, lui-même ridicule par rapport au Soleil qui est en face de lui, il ne faut pas avoir avoir fait de longues études pour se rendre compte que la taille titanesque des choses qu’on nous présente !! 02) une des premières scènes du film nous montre le psy de bord dans une salle d’observation du Soleil (oui : il prend un bain de soleil !!) où il fixe l’astre d’une façon très admirative. Il demande à l’ordinateur de bord à quel pourcentage de la luminosité réelle du Soleil il fait face, l’ordi lui répond 2% et il demande alors de monter à 4%. L’ordinateur lui précise que visionner la lumière à 4% causera des lésions irréversibles à ses rétines, par contre, il peut tenter 3,1% pendant 30 secondes maximum sans rien risquer…notre psy accepte. Et là, la différence entre 2% et 3,1% est totalement énorme : on est presque aveuglé !! Et on est qu’à 3,1% de la vraie luminosité du Soleil !! Je vous rappelle que notre étoile est mourante et, qu’en plus, l’ordi nous précise que le vaisseau se site à ce moment précis à 57 millions de kms du Soleil !!! Avec juste deux séquences, "Sunshine" arrive à nous prouver l’immensité de notre univers ainsi que la puissance incroyable d’une étoile par rapport à une pauvre petite planète comme la notre. C’est réellement sublime visuellement parlant. Ensuite, le film suit une trame assez classique dans sa première partie pour un film de ce genre : nous avons une petite présentation des membres de l’équipage, les occupations quotidiennes de ces derniers, le tout filmé d’une façon assez sobre, avec de bons décors qui reflètent une certaine froideur qui fait directement référence au fait que ces sept personnes sont isolées loin de tous proches en plein vide sidéral. Et par la suite, les problèmes vont commencer et (pour ne pas trop spoiler) vous vous doutez bien que la mission va être plusieurs fois en péril. Et puis, arrive un évènement particulier qui va faire basculer le film dans une sorte de survival (certains ont parlé de slasher…mouais si on veut…) ce qui, il faut bien l’avouer, peut dérouter mais qui représente l’idée originale du film : l’homme a-t-il le droit de se prendre pour Dieu ? …seulement je ne peux en parler plus sans spoiler, c’est pratiquement impossible, donc à partir d’ici, si vous n’ avez pas vu le film, passez votre chemin :
lorsque Icarus 2 reçoit un signal que ses occupants définissent comme étant la balise de détresse d’ Icarus 1, ils décident de se rendre sur les lieux. Une fois arrivé à destination, ils retrouve un vaisseau vide mais en parfait état de fonctionnement. Ils trouvent un extrait vidéo du journal de bord où le capitaine d’Icarus 1, Pinbacker, dit qu’ils ont abandonné leur mission et que l’humanité est condamnée…mais le plus étrange c’est la dernière phrase qu’il prononce et qui laisse perplexe les hommes de l’Icarus 2 : « …nous ne sommes que de la poussière…et c’est poussière que nous redeviendrons…quand IL décidera que le temps est venu pour nous de mourir…ce n’est pas à nous de défier DIEU ! » (c’est dingue comme, à ce moment, le film "Event Horizon" m’est revenu directement en tête !) Après une fouille du vaisseau où ils ont retrouvé les corps calcinés de l’équipage dans la salle d’observation, nos héros vont alors rencontrer un grave problème qui les oblige à repartir en urgence…Un peu plus tard, L’ordinateur de bord informe Capa que la mission est en péril car il y a non pas 4 mais 5 passagers à bord d’Icarus 2, cela entraînant automatiquement une diminution de l’oxygène disponible. Après un face à face avec cette personne, Capa comprend alors tout : c’est Pinbacker, le capitaine de l’Icarus 1. Ce dernier a le corps brûlé atrocement et entreprend alors de tuer tout le monde (ça me fait toujours penser à "Event Horizon" tout ça !) . En se remémorant la vidéo du journal de bord, Capa arrive à tout rassembler : Pinbacker a pété un plomb (certainement le fameux mal de l’espace qui provoque stress et hallucinations dus à l’extrême isolement) et, à force de trop regarder le Soleil dans la salle d’observation, a eu une sorte d’illumination (épiphanie même) l’amenant à croire que notre astre est en fait Dieu et que si Dieu a décidé que c’était la fin de l’humanité, nous n’avions aucun droit d’aller contre sa volonté. C’est pour cette raison qu’il a saboté l’Icarus 1 et qu’il a tué tout son équipage. Il a survécu jusqu’à l’arrivée de l’Icarus 2 (toute l’oxygène pour lui seul lui a permit de tenir toute ces années) et a compris que l’humanité a fabriqué un second vaisseau en voyant que la première mission avait échouée. Il décida donc de tenter un nouveau sabotage (le fameux « grave problème » dont je parlais juste avant) mais, voyant celui-ci déjoué, décide alors d’en finir avec tout l’équipage survivant d’Icarus 2.
L’idée d’opposer la foi religieuse (quasi extrémiste ici même) à l’instinct de survie de l’espèce humaine est très intéressante dans le sens où ici, c’est encore l’éternel combat de la religion contre la science et l'évolution qui est mis en valeur : l’homme a-t-il le droit grâce à ses inventions d’aller à l’encontre de la volonté de son créateur ? Depuis le début du film, Boyle n’arrête pas de nous montrer le gigantisme de notre étoile, sa puissance malgré le fait qu’il soit mourant (le coup des 4%), qu’il est le centre « créateur » de notre système solaire (c’est sa naissance qui a donné vie à notre système et aux planètes qui le composent) et que sans lui, la vie n’est plus. La métaphore sur Dieu est alors évidente
…elle va même plus loin : deux membres de l’équipage se résignent à se sacrifier pour que la mission n’échoue pas et continue jusqu’à son but ultime, et ces deux personnes font face à leur mort inéluctable sans peur, sans broncher : mourir est faire preuve d’humilité face à cette force quasi « divine » qu’est le Soleil…et ce n’est pas un hasard non plus s’il s’agit des deux personnes qui ont regardé longuement la lumière de l’astre dans la salle d’observation.
Mélangeant avec brio SF pure et questionnement métaphysique, Danny Boyle nous a livré avec Sunshine un film magnifique à l’esthétique irréprochable, l’une des plus belles réussites de sa carrière et tout simplement l’un des meilleurs films de SF jamais réalisés.