Maurice Pialat est un cinéaste qui traite de la souffrance, il la détricote, la recrache, se bagarre avec. Loulou en est peut être son film le plus éminent à ce sujet. Il faut le dire, sans perdre de temps !
C'est avec une certaine émotion que je retrouve ce film, huit années après une première déjà pleine de tension et de tristesse. Une première rencontre avec la filmographie de Maurice Pialat dont à l'époque une seule interview de Gérard Depardieu l'évoquant avait suffit à me ruer dans les brancards pour y avoir accès. Ma surprise de jeune homme n'est plus aujourd'hui, j'ai donc pu complètement cédé à la détresse de ce film, l'un des plus difficiles de son concepteur.
A la manière de La Gueule Ouverte ( à ce jour mon film préféré de ce réalisateur !), le film débute en illustrant le décors, place son histoire et virevolte sans trop se soucier de l'espace temps. Pilat filme ce qu'il souhaite, coupe quand sa lui plais, passe des éléments et garde à l'instinct ses prises qu'il juge pertinente. Comme le précédent long-métrage cité, Loulou est dure, âpre, difficile à suivre. Il n'y a pas ici de " drame " à proprement parler, mais la solitude est la même. Parfois cruel, voir sadique, cette passion sentimentale pleine de ravages fait écho avec le réalisme cher de ses auteurs.
La scène de ce " repas de famille " vers la fin du film m'a de surcroit vraiment foutu le cafard. Pourtant on rit, par instants, au début notamment. La fascination que j'avais ressentit déjà pour ce passage c'est une nouvelle fois confirmé et affirme que je suis complètement en " osmose " avec le paysage dépeint, par sa colère et son manifeste d'abandon de toute fierté pour un sentimentalisme à toute épreuve. Maurice Pialat flingue sans prévenir ( plutôt deux fois qu'une ) tendresse et brutalité et laisse perché une tension pleine d'équivoque.
Grand coup de chapeau aux interprètes, des plus connus comme Guy Marchand, Isabelle Huppert et Gérard Depardieu mais aussi Bernard Tronczyk, Jacqueline Dufranne, Christian Boucher et consorts. Ils se mettent des gnons, s'embrassent, se soutiennent ou s'abandonnent, au rythme des changements de tons, de formes, dans un chaos resplendissant.
Oui, pour moi Loulou est belle et bien le film le plus accidenté de Pialat. Agressif, changeant, parfois lugubre, ce long-métrage retourne le bide, il en est d'autant plus inoubliable ...