Sortie en 2005, ''The president's last bang'' est réalisé et scénarisé par Im Sang-soo (''Une femme coréene'', 2003). Provoquant un scandale en Corée du Sud, il sortie dans une version amputée de 4 minutes (ironiquement, ces images d'archive censurées sont les scènes les plus lights).
Tirée d'une histoire vraie, l'action se situe à Séoul en 1979. la Corée du Sud est sous la dictature du président Park Chung-hee. Tyran solitaire et triste, il se réunit à la Maison Bleue avec ses plus proches collaborateurs. Parmi ces derniers, le directeur Kim décide sur un coup de tête d'assassiner le président.
Rarement, une œuvre aurait abordé avec autant de jubilation une histoire vraie, dramatique de surcroît. Le décalage entre la noirceur du sujet et le caractère quasi burlesque se trouve dans l'origine même du cinéma coréen. Toujours très critique envers leur pays, les réalisateurs coréens font preuve d'une grande maîtrise des différents genres cinématographiques. Souvent, un film coréen ne s'inscrit jamais dans un seul genre où une seule perspective. Rebelote avec ''The president's last bang'', qui est à la fois un film politique, un thriller et même une farce (et certains codes du film sont empruntés directement aux films de gangsters).
Le début du film effraie un peu. Im Sang-soo présente en une série de scènes courtes les différents acteurs de cet événement. On a très vite peur de se perdre et de ne pas s'y retrouver devant cette quantité de personnages et de noms convoqués ici. Et puis, des individualités commencent à emerger et le film prend son essor au moment où tous les protagonistes se réunissent à cette Maison-Bleue. Et où Im Sang-soo orchestre avec brio cette montée de la tension. Alcool, bouffe et filles rythment le début de la soirée, accompagnés de causettes politiques et cyniques. Et puis, tout à coup, sans que l'on comprenne pourquoi (Im Sang-soo se garde bien de l'expliquer), le directeur Kim entre dans une colère noire et se met en tête d'assassiner le président. ''On a rien de mieux à faire'' déclare blasé l'un de ses hommes l'inspecteur Ju. Cette réplique est bien représentative du ton étrange du film. Pour reconstituer cet événement, Im Sang-soo n'hésite pas justement à s'éloigner du réalisme : cette réplique vient prendre à revers le spectateur dans son attente d'un réalisme brut. Nous ne sommes pas dans du cinéma ultra naturalisme à la Paul Greengrass (période ''Bloody Sunday'' et ''Vol 93''). Ici, pas de caméra à l'épaule, pas d'objectivité froide (au contraire, la voix-off qui ouvre et clôt le film est volontiers moqueuse)... Quoiqu'il en soit, le coup de sang du directeur Kim est le début de cette excellente montée en tension. Montée en tension qui trouve son point d'orgue dans une explosion de violence. Tout cela est servi par la mise en scène du coréen Im Sang-soo. Le film est ponctué de superbes travellings que n'aurait pas renié un Martin Scorsese. Im Sang-soo sait faire ce genre de plans, extrêmement virtuose et où la caméra semble se libérer de toute contrainte physique. Il en abusera d'ailleurs dans ''L'ivresse de l'argent'', où la virtuosité se transformera en préciosité (voir ce plan inutilement emberlificoté où la caméra tourne trois fois autour d'une table et ses convives !). Pas ici où chaque longueur de plans est justifiée et créée une émotion particulière. Deux plans, mémorables, sont à retenir. Le premier est un travelling horizontal qui capte, en filmant les différentes salles d'interrogatoire du KCIA, tout le caractère répressif de ce régime. Le second est proche d'un plan, lui aussi très marquant vers la fin de ''Snake Eyes'' (Brian De Palma, 1998). Après le massacre, la caméra suit Ju en plongée, lequel passe de pièce en pièce en enjambant les cadavres ensanglantés. En un plan, on reçoit l'horreur de ce qui s'est passé (d'innocents cuisiniers ont péri) aidé par cette caméra qui passe au-dessus des murs (tel un Dieu qui juge de ses hauteurs les basses actions humaines).
Malgré une fin un peu déceptive (car la tension, à l'extérieur de la Maison Bleue s'affaiblit peu à peu), ''The President's last bang est une œuvre percutante. Film très mordant aux personnages ambigus (auquel s'ajoute cet énigmatique majordome dont la froideur muette semble bien au dessus de toutes ces magouilles). Le film montre aussi à travers de petits détail tout le retard d'une Corée du Sud gangrenée par une dictature agonisante. Encore un grand film coréen qui surprend!