A trois mois du bac, Rita n'est pas l'Aziza, petite fille pauvre de Casa. Non, elle, son univers, c'est une résidence spacieuse avec piscine et nombreux domestiques, le Lycée Lyautey, les sorties en boîte et les virées en voitures de sports, l'alcool et les joints. Sa musique, et celle du film, c'est la pop anglo-saxonne, pas le raï. Quand elle rencontre Youri à la sortie du Velvet elle parie à ses copines qu'elle sortira avec lui avant la fin du ramadan. D'ailleurs à la maison, seuls les domestiques respectent le jeûne ; jusqu'au retour de Londres de Mao, le grand frère, parti pour une mystérieuse raison. Rita découvre vite qu'il a changé, et que le fêtard qu'elle a connu est devenu soucieux de respecter la religion, et de surveiller les relations de sa soeur.
Rita remporte son pari, mais cela ne se fait pas sans mal, puisque Youri est juif, et que ces derniers ont au lycée la réputation de chercher à dépuceler les arabes. Et ils doivent à la fois se débarasser des copains envahissant de Youri, et contourner l'interdiction paternelle survenue à la suite de la dénonciation de Mao...
Difficile de ne pas comparer "Marock" à "Viva Laldjérie", de Nadir Mokneche, et pas uniquement pour la ressemblance physique entre Morjana Alaoui et Lubna Azabal. Les deux films dressent le portrait de jeunes femmes indépendantes et résolues, luttant pour pouvoir vivre selon leurs désirs. Mais là où Nadir Mokneche nous faisait découvrir à la suite de son héroïne la violence et les déchirements de l'Algérie au sortir de la guerre civile, Leïla Marrakchi se trouve piégée par la superficialité de ses personnages et leur milieu.
Alors, il y a bien la volonté d'évoquer certains maux de la société marocaine contemporaine : la corruption, les mariages arrangés, la fuite des cerveaux, les contre-coups de la situation en Palestine sur la place de la communauté juive dans le royaume chérifien. Mais ces questions ne sont qu'effleurées, et souvent avec une lourdeur maladroite.
Au-delà d'une histoire bien convenue, l'intérêt du film réside dans les détails qui rendent Rita finalement attachante : la relation qu'elle a avec les domestiques, qui lui pardonnent tout et se rangent à ses côtés malgré son mode de vie à l'opposé du leur ; son amitié avec un copain de classe efféminé, confident et entremetteur, qui lui demande de le rappeler après chaque coup de fil à Youri pour tout lui raconter... Les actrices sont d'ailleurs bien mieux dirigées que que les garçons, qui semblent échappés d'un feuilleton d'AB Production et deviennent encore plus mauvais quand ils cherchent à jouer dans le registre dramatique.
Présenté à Cannes l'an dernier, "Marock", en ayant choisi de nous montrer une jeunesse finalement très occidentalisée ne fait pas oeuvre de grande nouveauté, malgré une indiscutable sincérité. Reste à savoir comment ce film a été perçu au Maroc même, et quels effets il a pu avoir en présentant une jeune fille aussi farouchement indépendante.
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