Martin Cognito, ayant un budget assez restreint pour son film reconnaît que les décors ne sont pas extraordinaires, il se rattrape donc sur la lumière : " (...) nous avons apporté certaines tonalités de couleurs, de luminosités qui mettent en valeur chaque séquence. J'ai préparé le tournage en composant une sorte de livre dans lequel j'ai posé des bouts de tissus, des images découpées dans des journaux, afin de donner une couleur à chaque scène. Je veux des tonalités très tranchées, des effets sombres, je déteste les éclairages modulés. François About, chef opérateur, éclaire d'ailleurs au fresnel (appareil d'éclairage puissant doté d'une lentille divergente permettant d'agrandir ou de rétrécir le faisceau lumineux) ce qui donne des effets très marqués. La lumière n'est pas du tout naturelle."
Le réalisateur, scénariste (Bad lieutenant), producteur (White Boy), monteur et acteur (The Driller killer) américain Abel Ferrara interprète Caïn dans le film de Martin Cognito. Ce dernier est ravi de cette collaboration, tout d'abord pour leur goût cinématographique commun: celui de la pornographie, mais surtout car "depuis The Driller killer il s'était juré de ne plus faire l'acteur...", cependant il a été séduit par le projet. Martin Cognito avoue qu'il sentait le regard du réalisateur sur son film, outre celui de l'acteur. Pourtant, il déclare:"Cette expérience m'a donné l'idée de faire jouer en guest-star, chaque fois, un metteur en scène que j'admire. Dans mon prochain film ce sera Jim Jarmusch." (le réalisateur de Broken flowers en 2005 avec Bill Murray)
Le réalisateur d'Exes est, comme son film, hors du commun. S'il s'inspire du cinéma asiatique comme celui de Takashi Miike ou de Shinya Tsukamoto c'est parce qu'il aime le fait qu'il n'y ait pas de tabous et le considère comme "une sorte d'éxécutoire". D'après lui, le cinéma asiatique ne cherche pas à faire de bons ou de mauvais films, il veut juste "construire une oeuvre" et c'est comme ça que Martin Cognito voit son cinéma.De plus, il rappelle que le fait d'être punk est toute une philosophie qui "veut dire aussi bannir le pouvoir de l'argent au maximum. Je refuse d'être rémunéré en tant que réalisateur. Je ne suis ni employé, ni un artiste d'état soumis au statut des intermittents. Dans le cinéma on passe son temps à se soumettre: soumettre son scénario au C.N.C., aux chaînes de télé, aux annonceurs, aux fabricants de couches-culotte... Soumettre c'est se soumettre. Je le refuse. Punk c'est se faire un gros shoot d'inconscience." Il ajoute: "On ne fait pas un film avec de bonnes intentions." Un vrai rebelle! Notons cependant qu'il a opté pour une musique douce, proche d'une valse pour ne pas rendre le film hyper violent comme il aurait pu l'être sur un fond rock.
Exes est le premier long métrage de Martin Cognito porté officiellement sur grand écran. En effet, quatre ans auparavant, il avait réalisé 3 films: Claudine, Axelle et Virginie, sortis directement en vidéo pour la simple raison qu'il s'agissait de films à caractère pornographique! Le réalisateur affirme que c'est un choix qu'il revendique: "C'est une excellente école, plus pertinente que celle des courts-métrages, d'autant que les techniciens qui m'ont accompagné venaient du cinéma traditionnel". A l'origine, le scénario d'Exes était d'ailleurs celui d'un film pornographique mais le récit permettait au réalisateur d'en faire un film plus "traditionnel: "(...) il était quasiment impossible pour le coup de tourner cette histoire en trois jours comme un porno.". De plus, un des acteurs (également réalisateur): Abel Ferrara a également commencé sa carrière par des films pornographiques comme Nine lives of a wet pussy!
Son image de fantôme, à qui on peut prêter diverses identités, Martin Cognito la cultive. Il signe ses oeuvres sous un pseudonyme: "Depuis toujours, je n'ai jamais signé mon vrai nom. Cela relève forcément d'un problème personnel, mon nom ne m'appartient pas, c'est pour le moment toujours celui de mon père. Je le reprendrai à sa mort.", il ne s'agit donc pas d'une quelconque honte vis-à-vis de ses films classés X. Quand à son apparence (il montre rarement son visage en public), il aime susciter les interrogations, contrairement aux autres stars qui veulent faire la Une des journaux, il juge son choix "pertinent". Derrière cet homme mystérieux se cache surtout un grand timide: "J'ai du mal à soutenir une interview, cette confrontation m'angoisse et ce masque est devenu une carapace, une forme de protection." confie-t'il. Lui-même se décrit comme "un peu schizophrène"!
Martin Cognito, le réalisateur du film a souhaité boucler le tournage en quinze jours et c'est chose faîte! Il explique pourquoi : " (...) cette démarche de réalisation, très prompte (...) donn[e] au film la possibilité d'exister rapidement. Je n'avais pas trop envie d'attendre, j'ai besoin que les projets se montent vite, il ne faut pas laisser se refroidir une idée." L'équipe a bénéficié d'un budget très réduit et de 15 jours de tournage, ni plus ni moins.Quand a l'acteur Grégoire Colin il raconte que ce challenge l'a d'abord un peu angoissé car c'était inédit pour lui, mais très vite a pris le rythme et en sort grandi : "(...) il me fallait juste avoir une plus grande rapidité d'exécution en préparant longuement le rôle avant de me retrouver sur le pateau. Ensuite il m'a fallu tenir le rythme, donner beaucoup d'énergie en un temps très court, mais elle n'était concentrée que sur quinze jours et c'était assez stimulant, d'autant qu'il émanait un dynamisme incroyable de la part de toute l'équipe.". "C'est une liberté qui peut-être stressante, mais qui est assez excitante, également chez les comédiens. Leur jeu s'en ressent forcément, mais j'apprécie cette forme d'expression. Le budget fait que je n'ai qu'une prise ou deux. C'est rare de trouver en France aujourd'hui des comédiens qui donnent tout lors de la première prise, c'est ce que je recherche : (...) une approche plus théâtrale (...) c'est du coup un film fragile, ce qui lui apporte une certaine poésie. Nous fonctionnons sur une énergie commune." confirme le réalisateur. Il semblerait donc que sur ce tournage, rapidité rime avec efficacité!
Grégoire Colin, lauréat du grand prix d'interprétation masculine au Festival de Locarno pour son rôle dans Nénette et Boni en 1997, interprète ici Exes un personnage ayant une grand part de féminité, presque asexué. L'acteur a donc du subir une transformation : il a été épilé intégralement, expérience dont il garde un souvenir "brutal" et s'est vu obligé de porter des tenues très féminines, il raconte : "(...) il m'a fallu traverser une cité du 13ème arrondissement affublé d'une petite robe rose, courte, serrée. Se changer dans une voiture, enfiler un string, n'est pas une expérience des plus aréables, d'autant plus que je n'aime guère, lorsque je tourne un film, me retrouver en contact avec le monde extérieur, je préfère rester plongé dans l'intimité de l'histoire."