Je me demande si Cavalier a conscience de ce qu'il filme. C'est tellement personnel, je ne suis pas certain que beaucoup de gens oseraient faire ce qu'il fait dans ce film (ou bien dans Irène). Depuis quelques temps il y a tout un pan de la littérature rédigée sous la forme d'un journal intime, Cavalier lui, il fait ça, mais au cinéma, et je pense qu'il est le seul à le faire, l'intrusion dans sa vie privée est beaucoup plus grande que pour la littérature, où on peut tenter d'embellir la réalité, là la caméra ne pardonne, les commentaires sont dits au moment de l'action, sur le vif, et pourtant on ne se sent pas voyeur, on est juste bouleversé par ce qui se passe à l'écran.
Ce film c'est juste des petites bribes de la vie sa vie, qu'il a filmé, des réflexions, des pensées, j'ai l'impression que c'est une sorte de catharsis pour lui, et il le dit lui même pour accepter la mort de petits écureuil il a dû les filmer, et juste avant il filmait son père sur son lit de mort.
Je trouve le film complètement bouleversant, d'une beauté pure et brute, et pourtant parfois tellement drôle, lorsqu'il tente d'entrer dans une pièce sans faire de bruit, et puis la personne qui est dans la pièce le remarque, alors il se cache, ou bien lorsqu'il tente de faire chier sa copine (ou sa femme je ne sais pas), comme s'ils avaient 15 ans.
Et en même temps il nous livre son âme, ses pensées quotidiennes.
C'est bête à dire, mais savoir ce que Cavalier pense du rouleau de PQ de l'hôtel dans lequel il séjourne, ça m'intéresse, quelques moments sont faits à partir de rien, un savon, une mouche, un chat qui entre dans la pièce, et pourtant on sent une certaine tendresse dans la voix de Cavalier.
Il ne perd pas son humour même lorsqu'il se fait opérer à causes de cellules cancéreuses dans son nez.
Il prend la main de sa mère qui fête ses 99 ans, c'est juste sublime, c'est que du vrai là, aucune tricherie.
Cavalier est un peu taquin, il s'amuse à embêter Thérèse (à qui il avait consacré un film absolument somptueux), une sainte, en lui mettant le plus gros cierge qu'il a trouvé, alors qu'elle aurait voulu le plus petit par humilité. C'est à la fois tellement drôle, mais en même temps, il y a quelque chose de plus fort encore que juste l'humour, peut-être est-ce la grâce ?
Voir cet homme déjà assez âgé paniquer lorsqu'il se rend compte qu'il est allé communier à la messe sans le faire exprès et qu'il a volé une hostie, il est désemparé, il ne peut pas communier, il n'a pas communier depuis son enfance, et ça c'est le genre de moments qui ne peuvent rendre qu'au cinéma, des moments de pure vérité.
C'est un film que j'ai juste adoré, et confirme ce que je pensais, Cavalier est le réalisateur en activité le plus audacieux qui soit. S'il faut de l'audace pour faire un film adapté de son propre malheur comme pour la guerre est déclarée, il en faut d'autant plus pour montrer sa vie, ses pensées pendant une heure trente.
Cavalier est un personnage extrêmement émouvant et grandiose.