Kim Ki-duk est un auteur hyperactif, comme sa filmographie enrichie de 17 films en autant d'années tend bien à le prouver. Le problème, c'est que les observateurs de cinéma jugent d'autant plus cette prolificité comme du too much qu'ils déplorent la redondance et le caractère auto-centré de son cinéma. A priori, rien de problématique me concernant puisque L'Arc était mon premier Ki-duk. Pourtant, et même si le plaisir de la découverte était bien présent, j'ai étrangement pu percevoir en un seul long-métrage cette tendance si forte à tout accorder à la personnalité de l'auteur qu'on a parfois tendance à se sentir exclu par les enjeux et leur traitement. L'Arc se contemple comme un poème, écrit en dilettante par un artiste un peu bohème, mû par le seul désir de créer et de dire du beau, plus que par la volonté de dialoguer avec un auditoire. Dans les faits, Kim Ki-duk brise le quatrième mur par un symbolisme lyrique et efficace mais vraiment trop marqué, ainsi que par l'absence de synchronisation entre son et image lors des scènes où le vieil homme joue de son arc. Ça, les cadrages raffinés et voluptueux mais qui sentent vraiment l'essai formel plus que la volonté de mener un récit, ainsi que certains choix scénaristiques marqués (le mutisme du couple, par exemple), donnent une vraie impression surréaliste. Tout, jusque dans le mode narratif utilisé et sa répétition cadencée, rappelle un poème en vers, ce qui ajoute au cachet onirique de L'Arc. L'aspect d'ensemble est donc très beau, mais manque de consistance et de réalité matérielle. C'est dommage, car le propos m'a paru abordé avec inspiration, bien qu'il soit limité par le symbolisme forcé dont j'ai déjà parlé. Si la subtilité en pâtit parfois, impossible de nier la richesse de cette fable sur l'impact de l'écoulement du temps sur les hommes, la possessivité amoureuse, la soif inextinguible du désir non corrélée à notre condition et la souffrance qui en découle (...). D'autant que j'ai également adoré le choix évidemment judicieux, et même quasi-nécessaire, du huit-clos, qui isole les personnages à l'intérieur d'une bulle en condensant de manière forte toutes leurs applications. Au contraire, gros bémol pour une bande-son omniprésente jusqu'à en devenir lourdingue. Très mitigé, L'Arc n'aura pas éteint ma curiosité vis à vis de son réalisateur. Sa beauté poétique ne souffre pas de contestation, mais sa force et sa capacité émotionnelle sont de loin insuffisantes. Un objet étrange, pas forcément accessible et quelque peu déstabilisant.