Sangre : les secrets du tournage

Sangre est présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes, dans la section Un Certain Regard. Il y a décroché le Prix FIPRESCI de la critique internationale.

Ce premier film mexicain est co-produit par Carlos Reygadas, réalisateur de Japon, très remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs en 2002. Quant à Amat Escalante, il a été assistant réalisateur sur Batalla en el cielo, le deuxième film de Reygadas, également présenté à Cannes en 2005, mais en compétition.

Le réalisateur revient sur la genèse du film : "Ce projet est né en marchant dans les rues de Guanajuato [ville située au Nord-est de Mexico] où j'habite, en écoutant les gens parler dans les bus et en observant ce qu'ils mangent, ce qu'ils jettent. Les différences sociales et économiques dans mon pays ont créé un déséquilibre culturel, économique et humain flagrant. Cela engendre le désenchantement et la frustration d'une population désormais incapable de prendre en charge son propre avenir. Ces gens ont perdu toute capacité et tout désir de communiquer rationnellement avec les autres et particulièrement avec leurs proches."

Sangre est le premier long métrage d'Amat Escalante, cinéaste né à Barcelone en février 1979, mais qui vit au Mexique depuis sa plus tendre enfance. Signant un premier court métrage à 14 ans, il passe par plusieurs écoles de cinéma, qui ne lui donneront pas satisfaction. En 2002, il réalise un deuxième court métrage, Amarrados, primé dans de nombreux festivals.

Le petit écran tient une place importante dans le film, Diego et Bianca passant une bonne partie de leurs journées devant les telenovelas, ces séries à l'eau de rose qui font florès en Amérique du Sud. "Les gens, tout au moins à Mexico, regardent les feuilletons télévisés tous les soirs et ils se mettent même à parler et à se comporter comme les personnages de ces séries. Cela explique pourquoi la plupart des dialogues de mon film pourraient être extraits directement de l'un de ces feuilletons, ce qui est à la fois absurde et ridicule. Je suis convaincu que cela envahit les gens à un degré qui échappe à tout contrôle car ces feuilletons sont généralement porteurs d'un message fort sur le plan moral."

A propos du comportement du protagoniste, qui reste impassible face aux événements, tout en semblant bouillir intérieurement, Amat Escalante précise : "C'est de cette façon que je vois le monde aujourd'hui, toujours sur le point d'exploser, alors qu'en fait rien ne semble se passer. Diego se contente d'absorber tous les problèmes auxquels il se trouve confronté et, une fois qu'il ne peut plus supporter cette situation, il se comporte avec une grande stupidité sous le coup de la peur. C'est très frustrant. Il n'explose pas, parce qu'il a trop peur de ce que pourrait engendrer une telle réaction."