Présenté en avant-première lors du dernier Festival de Cannes, le film a été bien accueilli par le public de la Croisette et récompensé au palmarès par le jury dirigé par Wong Kar-Wai. Le jury a décerné un prix d'interprétation collectif aux cinq acteurs principaux : Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan. Lors de la remise de leur prix, les acteurs, accompagnés du réalisateur, ont entonné la chanson des tirailleurs que l'on entend dans le film.
Après la remise du prix d'interprétation collectif lors du dernier festival de Cannes, les hommages et les messages de félicitations se sont multipliés, notamment celui du premier des Français, le Président de la République, Jacques Chirac. Publié sur le blog de Bernard Blancan, en voici quelques extraits : "Je vous adresse toutes mes félicitations pour cette distinction qui rend hommage à vos talents d'acteur, dans un long métrage mettant à l'honneur les combattants de l'Armée d'Afrique lors de la dernière guerre. Indigènes porte un message fort de courage, de fraternité et d'un destin commun tissé de part et d'autre de la Méditerranée entre la France et des pays qui ont partagé un temps une histoire et un espoir communs".
Ce titre a été choisi durant la phase de recherches et de documentation entamée par Rachid Bouchareb, comme il l'explique lors de la conférence de presse cannoise : "Durant la phase de recherche et de documentation, le film ne disposait pas de titre. En rencontrant ces gens qui avaient participé à cette guerre, je me suis rendu compte qu'une citation revenait souvent dans leurs paroles, celle de "soldat indigène". Ce titre, je ne l'ai pas choisi, il s'est imposé à moi. Ce titre renvoie également "au code "Indigena" qui a été établi en Algérie en 1881 et qui définissait l'indigène comme une personne native de son pays mais n'ayant pas les mêmes droits qu'un citoyen normal. C'était en quelque sorte un demi-citoyen qui n'avait pas de perspectives d'avenir", comme l'explique Sami Bouajila, lors de cette même conférence.
Pour apporter de l'authenticité aux personnages, Rachid Bouchareb et son coscénariste Olivier Lorelle ont écumé le service de documentation des armées, ont retrouvé des documents du Ministère de la Défense au nom de Nacéri, Debbouze, les ancêtres des acteurs principaux du film. Ils ont également rencontré les anciens tirailleurs qui avaient vécu cette guerre.
A partir du seul scénario, Rachid Bouchareb a réuni autour de lui un casting principal 100% issu de la seconde génération de l'immigration. Selon le réalisateur, "la démarche a été longue et tout le monde a dû s'y mettre, mais je n'ai jamais eu aucun doute". Tous le reconnaissent, le film a été difficile à monter, notamment Jamel Debbouze lors de la conférence de presse des Lauréats :"Je ne pensais vraiment pas qu'on puisse arriver jusque là, ce film était pas censé se faire, il s'est fait, on a même été récompensé". Malgré les difficultés, notamment de financement, le metteur en scène de Little Senegal, ne doutait pas que le film allait se faire. "La nécessité de raconter cette histoire était une telle évidence qu'il n'y avait pas d'autre alternative ! Parfois, l'énergie d'un projet vous dépasse et vous entraîne. C'est comme cela que j'ai vécu le film ! C'est grâce à cette certitude que les choses ont pu avancer. Le sujet était tellement porteur que je me sentais une obligation morale de le faire aboutir". Lors de la remise du prix d'interprétation collectif, les comédiens ont tous tenu à faire partager la joie d'avoir fait ce film et la nécessité de celui-ci, notamment Sami Bouajila : "ce film représente le désir de toute une génération, en tout cas la mienne et j'espère aussi de bon nombre de celles qui nous précèdent, du besoin de retrouver sa mémoire, son histoire. C'est un grand cri d'amour envers les uns et les autres".
L'utilisation de la langue, légitime pour le film, a entraîné quelques difficultés, notamment au niveau de la législation française qui impose des quotas. Samy Naceri, qui interprète Yassir, un goumier, a également été gêné puisqu'il ne parlait pas cette langue. Chaque matin, il devait donc apprendre le peu de texte que contient son rôle. Ses dialogues ont du être adaptés afin de choisir les mots les plus vrais, les plus crédibles, correspondant le mieux à son personnage. Pour ce travail de composition, Jamel Debbouze, ainsi que Rachid Bouchareb l'ont aidé à répéter.
Dès le départ du projet, le réalisateur Rachid Bouchareb voulait un film retraçant l'histoire de plusieurs personnages. En créant ces différents rôles, le metteur en scène n'a pas écrit de personnage précis pour chaque comédien :"Je voulais me sentir libre au moment de l'écriture. Jamel aurait très bien pu jouer Abdelkader. Je ne voulais pas de contrainte et les rôles étaient interchangeables". Seuls les rôles de Yassir et du Sergent Martinez n'auraient pu être échangés, le premier car il voulait que le personnage ait les yeux clairs (comme Samy Naceri), le second car il souhaitait un pied-noir.
Au début des années 60, alors que la décolonisation se termine, la France gèle, à leur niveau de 1959, les retraites et les pensions d'invadilité versées aux anciens combattants de son ex-Empire colonial. Il en résulte une situation très inégalitaire vécue avec amertume par les anciens combattants du Maghreb et d'Afrique noire, dont les pensions peuvent être jusqu'à dix fois moins élévées que celles des anciens combattants français. Depuis 2001, et l'arrêt du Conseil d'Etat qui donne raison à Amadou Diop (un ancien tirailleur) à titre posthume afin que l'Etat français lui verse la totalité de sa retraite, les gouvernements successifs se sont engagés à verser aux 80000 anciens combattants de l'ex-Empire colonial français. Le montant total de la somme qui leurs est due est de 1,85 milliards d'euros. Le 13 août 2004, un communiqué du ministère français délégué aux anciens combattants annonce qu'une somme de 120 millions d'euros est prévue pour les dédommagements. Les hommages se multiplient, notamment celui de Jacques Chirac le 15 août 2004, lors de la commémoration du débarquement en Provence, mais la question de la "cristallisation" des pensions n'est toujours pas réglée. Le président de la République, ému et touché lors de la projection privée du 5 septembre du film Indigènes, a décidé d'abolir les discriminations entre les anciens combattants. Il avait d'ailleurs rappelé lors de son discours du 14 juillet qu'il "[fallait] poursuivre" le dégel des pensions. La décision d'abolir les discriminations entre les tirailleurs et les soldats français a été annoncée officiellement par le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, mercredi 27 septembre 2006 à la sortie du Conseil des ministres. Désormais, il n'y aura plus de différences entre les pensions militaires d'invalidité et les retraites des tirailleurs originaires des ex-colonies françaises et celles des anciens combattants nés dans l'Hexagone. Cette annonce coïncide avec la sortie du film dans les salles françaises.
L'acteur avait déjà tourné sous la direction du réalisateur dans son précédent film, Little Senegal, en 2000. C'est d'ailleurs lors de ce tournage que Rachid Bouchareb a parlé pour la première fois du projet à Roschdy Zem. L'acteur a d'abord été prudent sur la viabilité de ce projet, puisque l'annonce de ce film avec les acteurs que le metteur en scène désirait réunir, aussi longtemps à l'avance, semblait en compromettre l'existence.
Pour la première fois, Jamel Debbouze occupe un poste important dans l'équipe technique, celui de coproducteur, à la demande de Rachid Bouchareb. L'acteur s'est donc investi personnellement avec le réalisateur pour aller chercher des fonds auprès de l'Etat Français, du Royaume du Maroc, pays d'origine du comédien, qui a mis à la disposition de la production une compagnie aérienne, la Royal Air Maroc. Il a également participé au montage financier du film. "C'était la première fois que je m'investissais dans une production et j'ai accompli des choses que je n'aurais jamais crues possibles".
En plus d'être crédité au générique du film en tant que producteur associé, via sa société La Petite Reine, Thomas Langmann joue dans ce film le rôle du journaliste-photographe chargé de retranscrire le déroulement des combats.
Pendant le tournage, l'équipe artistique a pu constater l'engouement des figurants notamment à Ouarzazate. Lors des scènes de batailles, les soldats marocains qui assuraient la figuration mettaient vraiment leur coeur. Parfois, Rachid Bouchareb hésitait à leur faire retourner une scène, à les faire charger en sandalettes dans les pierres. Mais tous étaient volontaires, car ce film parle de leurs ancêtres,de leur histoire avec la France et d'une période qui a profondément marqué leur histoire. Le tournage en France a engendré un engouement de la part du public qui faisait parfois plusieurs kilomètres pour rencontrer l'équipe du film. Comme le souligne le réalisateur, "Le film trouvait un écho incroyable ! Nous avons été accueillis, sollicités pour des débats avec les Français, les Maghrébins, les Africains qui parlaient du sujet, du film, de ce qu'avaient vécu leurs parents".
Pendant le tournage, Sami Bouajila espérait incarner Abdelkader vieux, sans oser le demander à Rachid Bouchareb. Après un temps de retenue, il a osé lui demander et le bout d'essai passer par le comédien a fini de convaincre le réalisateur. Afin d'être totalement crédible, l'acteur devait passer trois heures au maquillage pour que le résultat soit parfait.
Ce film est présenté au Cinéma de la plage au Festival de Cannes 2024.