Gérard Krawczyk s’éloigne des produits préfabriqués qui ont marqué la deuxième partie de sa carrière pour tenter de retrouver ce qui avait fait la force et le charme de ses premiers métrages, et surtout de L’Eté en pente douce auquel on ne peut mieux comparer ce film. Malheureusement le résultat est très inférieur.
Le casting est déjà très inégal. D’un côté Sylvie Testud est top, et porte son rôle avec une verve d’un naturel rafraichissant. Elle est excellente dans la peau de cette barmaid trop bavarde mais au grand cœur, et malgré ses défauts, dont son verbiage volubile, elle arrive sans difficulté à nous rendre son personnage touchant et plaisant à suivre. Autour d’elle ce n’est pas tout à fait du même niveau. Balasko m’a paru sous-utilisée, soyons honnête, la présence de Michel Muller, sorte de gentil gars un peu attardé n’est pas d’une grande utilité (il semble vouloir faire écho à Villeret dans L’Eté en pente douce mais ici sa présence est anecdotique), et surtout Eric Cantona rate totalement sa prestation. Le rôle était pourtant pour lui, mais là il est transparent. C’est limite si j’arrive à me souvenir d’une scène marquante avec lui (sauf celle en costume, il va de soi !). En clair, Testud monopolise l’écran, et elle le fait bien, heureusement. Un peu court pour avoir la prétention de montrer la vie d’un village.
Le scénario n’est pas très bon non plus. Si le réalisateur arrive à nous rendre la relation de Testud et du jeune enfant mutique qu’elle héberge touchante, et parvient dans l’ensemble à réaliser de beaux morceaux plein d’humanité et de douceur, difficile de ne pas rester sur sa fin. Pas vraiment d’enjeux dans ce métrage, un face à face mal dégrossi entre les deux restauratrices, un fond de grève qui traine en longueur, et l’impression trop forte de stagner sur place. La Vie est à nous est beaucoup moins profond et puissant que L’Eté en pente douce, et du coup on ressent vraiment ces baisses de régime ici. Sans Sylvie Testud, d’un punch incroyable, le film serait parfois bien ennuyant. Il manque un vrai élément attractif, quelque chose qui conduise le film tout du long et entraine le spectateur à sa suite.
Visuellement c’est sympathique. Même si la photographie et les décors sont un peu impersonnels, n’ayant pas l’authenticité de L’Eté en pente douce (la photographie mordorée est un peu artificielle notamment), Krawczyk réalise un film honorable. On sent l’ambiance sud-de-France, la mise en scène est très correcte, et la bande son est soignée. Peut-être pas assez présente, mais réussie.
La Vie est à nous manque d’un vrai souffle de liberté, d’une vraie flamboyance. C’est typiquement le film dont t’attends le monologue, la scène ou l’envolée musicale qui va te donner des frissons et te donner l’envie de faire un truc fou juste après. Ici, c’est Testud qui joue ce rôle, et même si elle le tient bien elle ne peut pas trop à elle toute seule emporter un métrage qui pour le reste ne se mouille pas trop. C’est trop planplan. Si le film n’est pas mauvais, préféré tout de même nettement L’Eté en pente douce, même s’il est plus dur et aussi plus inaccessible au jeune public. 2.5