Octobre à Paris est diffusé en salles la même semaine qu'un autre documentaire traitant exactement du même sujet : Ici on noie les Algériens de Yasmina Adi. Plus de quarante ans séparent cependant la réalisation des deux films, ce qui peut rendre leur comparaison fort intéressante : le premier fut réalisé à l'époque et présente donc une vision "à vif" du sujet, tandis que le second bénéficie d'images d'archives et du recul du temps passé.
Dans la mesure où il remettait en cause l'autorité française et présentait des actes considérés comme illégaux, Octobre à Paris fut réalisé de manière clandestine et financé par des organisations souterraines telles que le Comité Audin ou le FLN. Pour les mêmes raisons, il n'obtint son visa d'exploitation qu'en 1973 (malgré des projections à Cannes et à la Mostra de Venise dont personne n'a parlé), après que le cinéaste René Vautier ait entamé une grève de la faim pour soutenir le documentaire.
Avant de se charger lui-même du projet, Jacques Panigel se mis en charge de trouver un réalisateur de renom susceptible d'apporter son prestige au film et ainsi de lui assurer une certaine visibilité. Aussi a-t-il lancé une offre à des cinéastes aussi bien français d'internationaux... mais aucune réponse ne lui parvint. C'est pourquoi il se glissa lui-même derrière la caméra, malgré une expérience plus que limitée dans ce domaine.
S'il traite de plusieurs évènements distincts, le cœur du documentaire reste la manifestation du 17 octobre 1961. Or, aucune vidéo de cette dernière n'existe ! D'où la question à laquelle fut confronté le réalisateur : comment refaire vivre cet évènement dont aucune image n'est disponible ? Par des photographies, bien sûr, ainsi qu'en faisant témoigner des acteurs de premier plan de la manifestation, le tout rendu dynamique par la magie du montage. A cela, le cinéaste a ajouté une autre option bien plus originale (bien que contestable sur le plan historique), à savoir la reconstitution a posteriori : "J’ai demandé à ceux qui avaient rapporté ces instructions au bidonville de Gennevilliers s’ils voulaient bien recommencer la scène qu’ils avaient vécue. On a tourné cela au petit matin. On a reconstitué la réunion de la cellule, les instructions qu’ils ont données d’emprunter tel ou tel chemin, d’emmener aussi les femmes et les enfants", explique-t-il.