Selon toute logique scientifique, je suis censé détester "Titanic". Déjà parce que je suis un mec, donc émotionnellement inapte à l'appréciation d'un tel film. Ensuite, je voue une haine farouche au gouvernement canadien depuis que ces (noms d'oiseaux censurés) nous ont sournoisement refilé Céline Dion. Je suis désolé, mais selon les préceptes de "L'art de la guerre", une telle tactique est déplorable. Ne me demandez pas pourquoi, cela ne se fait pas, c'est tout. Pour finir, j'ai subi de plein fouet le succès phénoménal du roi James et surtout, la tristement célèbre DiCaprio Mania. Un fléau que les plus jeunes ne pourront heureusement qu'imaginer mais qui aura laissé de graves séquelles sur les vétérans ayant été happé trop jeune dans cette sinistre tragédie. Parfois, la nuit, quand je suis seul dans l'obscurité, il m'arrive d'entendre encore les cris orgiaques de mes camarades de classe et de revivre avec horreur nos cours de musique où l'on jouait "My heart will go on" à la flûte à bec. Trois psychanalyses n'auront pas suffit à me faire oublier ces heures sombres de notre histoire. Bref, allez savoir pourquoi, j'adore "Titanic".
Littéralement habité par son sujet (le personnage de Bill Paxton peut-être vu d'ailleurs comme l'alter-ego du cinéaste), James Cameron aura mis toutes ses tripes dans ce projet fou et insensé, pari extrêmement risqué et suicidaire dont le tout Hollywood prédisait le naufrage avec une cruelle délectation. Pensez donc, ressusciter le vieil Hollywood à partir d'un récit connu de tous et dont on connait déjà la fin, fallait oser ! La suite, on la connait, un succès fracassant et une pluie de récompenses amplement méritées.
Bien qu'un poil trop lisse et propre sur lui (à titre de comparaison, "Abyss" sentait bien plus le cambouis), "Titanic" reste un modèle de blockbuster grand public, un défi technique ambitieux et casse-gueule relevé haut la main par un cinéaste bien trop sous-estimé, une reconstitution flamboyante aux superbes décors et au casting royal, illustrée par la superbe partition de James Horner, peut-être le dernier classique enfanté par Hollywood.
Quelques années plus tard, James Cameron convertira son film en 3D, accentuant ainsi l'immersion d'un spectacle total et jouant efficacement avec la profondeur de champ mais apportant malheureusement à l'ensemble un aspect un brin factice et faisant bien trop ressortir des arrières-plans numériques assez fades.