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Un visiteur
4,0
Publiée le 17 décembre 2017
Il semblerait que les habitants de cette région du Japon ont la réputation de vivre en harmonie avec la nature. Disons que Toyo et Senta ne l’ont pas choisi facile en s’isolant sur une île sans accès à de l’eau douce et en essayant de faire pousser des carottes sur un gros caillou. Durant les trente premières minutes, l’action se résume au dur labeur auquel est soumis le couple pour s’approvisionner en eau. Si bien que la séquence où Tayo renverse une chaudière d’eau en trébuchant et que son mari s’avance vers elle pour la gifler vous rentre dedans comme un avion dans une tour. À l’inverse, quand survient le seul éclat de rire du film, il a l’effet d’une pluie fraîche en pleine canicule. La vie de la famille insulaire est comme un rituel continu lié à la terre mère. On laboure, on sème, on arrose, on récolte…on y enterre nos morts. L’île nue est une œuvre méditative qui nous amène à réfléchir sur le rapport entre l’Homme et la Nature. Certains y verront un éloge de la résilience. D’autres se diront à quoi bon vivre si on en est réduit à une telle condition d’assujetissement. Quoiqu’il en soit, par son sujet, le film de Keneto Shendõ gagne en pertinence à mesure que l’humanité malmène son environnement. Le cinéaste fait preuve d’audace en proposant un scénario sans dialogue aux actions répétitives. La souffrance qui y est vécue, le rythme du récit et la musique lancinante qui l’accompagne vous heurtent… et puis finalement vous marque pour la vie.
Avec «L'île nue» (1960), Kaneto Shindo a signé une évocation à la fois simple et bouleversante de la survie pénible d'une famille de pêcheurs pauvres perdus sur une île de la mer intérieure du Japon. Il a osé et a réussi le pari de construire un film expérimental, presque totalement dénué de paroles, et tout entier basé sur la récurrence rythmée de séquences quasiment identiques. Film musical envoûtant à la lenteur majestueuse, «L'île nue» montre une maîtrise remarquable du temps, en sorte que, fasciné, le spectateur n'éprouve à aucun moment quelque envie de s'assoupir. Oeuvre typiquement orientale, il illustre à merveille l'humilité et le fatalisme d'un certaine Japon profondément marqué par le bouddhisme. Les personnages y apparaissent écrasés par la nature et par le destin. Le seul moment de révolte de la mère, à la fin du film, sera vite oublié et le cours impitoyable d'une destinée déjà tracée retrouvera tous ses droits. Filmé dans un décor grandiose et jouissant d'une photographie superbe, «L'île nue» est un joyau du cinéma japonais, à découvrir ou à redécouvrir de toute urgence!
D-E-C-E-P-T-I-O-N J'ai vraiment eu du mal à rentrer dans le film d'abord. Dès le départ je savais que le film allait être très contemplatif et sans paroles, mais les premiers trois quart d'heure pour moi furent proches du calvaire. Voir des actions répétitives et entendre une musique répétitive (mais très jolie) m'avaient barbé. Bien sûr je me doutais que ce genre de scènes allaient être montrées, mais ça m'a pas passionné pour autant. Après d'un point de vue technique c'est sûr il n'y a rien à dire, une réalisation aux petits oignons, une photographie splendide et une musique agréable (mais répétitive, à force on en oublie à quel point elle est belle). Les acteurs sont convaincants, expressifs et leur vie rude mais simple est bien retranscrite, ce film pourrait faire office de documentaire sur la vie paysanne japonaise du début des années 60, avec un mode de vie qui contraste avec la modernité que commence alors à connaître le pays. Pourquoi je n'ai pas eu le coup de coeur? A vrai dire je ne saurais pas me justifier. Je pense que ce film est surtout une affaire de ressenti personnel. Pour ma part l'ensemble ne m'a pas emballé. Quelques scènes et quelques (superbes) plans sortent du lot, mais c'est trop peu pour me faire adorer ce film. Si vers la fin j'appréciais plus mon visionnage, je ne peux oublier que j'ai eu un démarrage difficile et où j'étais légèrement crispé. Je conseillerais néanmoins ce film aux amateurs de contemplatif même si à la base j'aime le contemplatif et que ce point-là m'a assez déçu. Une déception donc, mais je ne me refuserais pas de le revoir un jour, en espérant cette fois-ci y trouver mon compte.
Le film « L’île nue » de Kaneto Shindô (1960) est pour moi lié à un souvenir scolaire : je devais faire une « composition française » (comme on disait à l’époque) et en manque d’idée, ce film vu à sa sortie m’avait permis d’avoir une excellente note ! L’histoire est pourtant très simple : sur un minuscule îlot du sud-est du Japon, un couple d'agriculteurs avec 2 jeunes enfants cultive une terre aride et doit aller en barque à la godille à plusieurs reprises par jour chercher sur la terre ferme de l’eau douce et c’est avec une très grande attention et parcimonie que chaque plant cultivé est arrosé. Cette histoire très répétitive au rythme des saisons est émaillée par 2 épisodes : l’un de joie car la pêche d’un gros poisson permettra à cette humble famille de faire une petite sortie (et l’achat de maillots de corps pour les garçons) et l’autre triste avec la mort du fils ainé qui sera incinéré en présence des élèves de sa classe mais – curieusement – d’aucun adulte. La mère se révoltera alors en arrachant quelques plantations mais elle reprendra rapidement son travail sur cette terre ingrate où « il faut toujours cultiver plus haut » … car c’est hélas son destin ancré dans l'humilité et le fatalisme d'un Japon marqué par le bouddhisme. Ce film en noir et blanc est d’une beauté extraordinaire et il est caractérisé par l’absence de tout dialogue (quelques bruitages tout au plus) mais il est bercé par une mélodie inoubliable de Hayashi Hikaru qui est reprise avec un chœur à la fin du film. Un film « contemplatif » à ne surtout pas rater.
Deux approches possibles. La première consisterait à se pâmer, criant à qui veut l'entendre qu'il s'agit d'un pur chef d’œuvre du cinoche japonais, avec une esthétique formidable et une ambiance musicale envoûtante. Pas complètement faux. L'opposition entre le traditionalisme insulaire et la modernité continentale est parfaitement bien exploitée. On évolue visuellement dans un univers majestueux, le directeur photo du film mérite les louanges. Le final est plutôt inattendu donc réussi. Toutefois, une seconde approche existe, celle de trouver "L'île nue" soporifique. Pourquoi ? C'est bien simple, l'intrigue suit le rythme de la voiture-balai du tour de France lors de l'ascension du Mont Ventoux. Kanedo Shindo ne nous épargne rien, il a recours aux ellipses temporelles avec une extrême parcimonie. Entre la minute 19 et la minute 31, on voit les personnages prendre de l'eau, gravir la montagne, arroser, reprendre de l'eau, gravir de nouveau la montagne, encore arroser, et ainsi de suite. On saisit bien l'objectif, nous montrer la répétitivité du travail quotidien, ainsi que sa difficulté, mais fallait-il pour autant punir ainsi le spectateur ? D'autant que la musique se veut elle-aussi répétitive. Elle aurait mérité d'être mieux travaillée, surtout que les dialogues sont absents. Entre ces deux approches, j'opte bien sûr pour la seconde, question de sensibilité. Seul le visionnage de 'L'homme d'Aran", autre sommité de l'ennui mais version occidentale, me contraint à nuancer ma critique.
J'aime beaucoup ce genre de film lent et répétitif, où la même chose se produit en boucle, surtout lorsque c'est sublimé par une mise en scène et une photographie de haut vol. La contemplation de l'effort, le labeur, la beauté des corps et des paysages, c'est ça qui fait la beauté de l'Île nue.
Alors certes on pourrait trouver le parti pris d'avoir des personnages qui ne parlent pas entre eux et donc un film sans dialogue, un film où l'on a juste de la musique, quelques bruitages, où parfois les personnages chantent, mais sans avoir de discussion entre eux, un peu extrême. On n'est pas dans quelque chose de réaliste malgré la contemplation du travail.
Mais c'est cet extrémisme qui donne la force au film, qui donne la force aux plans où l'on voit ces gens mener leur vie quotidienne dans le silence. S'ils parlaient ça aurait ôté toute la magnifique austérité du film, toute l'épure qui est si belle.
D'ailleurs le film correspond parfaitement à ce que disait Bresson, le cinéma parlant a inventé le silence. Ce silence qui renforce encore la violence du quotidien, des coups du mari, parce que dans ce calme toute action voit sa portée démultipliée.
J'aime aussi la narration, toujours sans dialogues, avec juste parfois un texte pour indiquer qu'on a changé de saison car elle réussit à raconter quelque chose de profondément tragique sur la difficulté de reprendre la vie quotidienne après un drame, le tout, bien évidemment, sans trop en faire, avec une grande sobriété et pudeur.
La manière avec laquelle l'époque à laquelle du film se passe est suggérée est également assez brillante. On commence sans indication d'époque et voir ces paysans vivre sans eau, sans électricité, seuls sur leur île laisse à penser que l'histoire peut se situer il y a plusieurs siècles et puis on voit un bateau moderne dans le fond... Sans doute l'histoire se passe au moment où le film a été tourné, au début des années 60. Cette indication temporelle ne fait que renforcer le tragique de cette histoire de personnes condamnés comme les Danaïdes à porter l'eau et à arroser continuellement ces plantations ou ce tonneau percé sans que rien ne change alors qu'au dehors le Japon se développe.
« L'île nue » nous raconte le quotidien d'une famille d'agriculteurs vivant péniblement sur une petite île sans eau douce. Les spécificités de ce film sont nombreuses. La première est bien sûr l'absence totale de dialogues. L'histoire est rythmée par la magnifique musique de Hayashi Hikaru qui apporte ce qu'il faut d'émotions. L'intrigue est simple, répétitive, lente et monotone à l'image de la vie des protagonistes. Loin d' être un défaut, cette sobriété scénaristique laisse toute sa place à la mise ne scène de Kaneto Shindô. Là, le cinéaste nippon dévoile tous ses talents avec des prises de vues du meilleur effet, un superbe jeu de lumière,... Cette oeuvre contemplative est de toute beauté et réussit à nous bercer sans nous ennuyer.
Rarement le silence n’aura été à la fois si douloureux et si poétique. Parce qu’il se dépouille de toute parole pour concentrer son attention sur le langage du corps, L’Île Nue s’offre à nous comme un geste long et répétitif qui plie les silhouettes, les écrase sous le poids d’un sol qui ne se laisse cultiver que péniblement. Il y a ce quelque chose de primitif, de premier dans le geste-même du cinéaste qui l’inscrit hors du temps, qui l’érige au rang de peinture immémoriale du travail et des jours, à l’instar – si l’on venait à déplacer notre point de vue de l’Orient vers l’Occident – de la mosaïque du calendrier agricole que l’on contemple, par exemple, au Musée d’Archéologie Nationale. Le découpage du métrage en chapitres de longueur inégale reproduit le cycle des saisons : ou comment une famille affronte un quotidien insulaire, en partie coupé du reste du monde, soumis aux aléas d’un climat qui tantôt gèle tantôt brûle les plants. En filigrane, le sol aride et pentu se mue en métaphore d’une intériorité déchirée par le labeur et la perte d’un fils : le personnage de la mère s’écroule d’ailleurs à la trentième minute de film sous un effort démesuré, annonçant de façon proleptique sa chute psychologique à venir. Les seaux d’eau servent à arroser des cultures qui paraissent toujours aussi sèches, à l’instar du cœur calciné qu’une femme essaie chaque jour d’apaiser. Pourtant, L’Île Nue n’accorde jamais à l’humain le devant de la scène : Shindō capture par son image un paysage qui constitue le maître absolu et que les êtres qui tentent d’y vivre doivent servir inlassablement. Le premier personnage du film, c’est la nature tout entière que l’on convoite depuis le lointain d’une embarcation. À chaque aller-retour des parents s’installe une terreur douce : allons-nous réussir, une fois de plus, la traversée ? dans quel état allons-nous retrouver nos enfants ? L’île devient une figure massive, source de mystère et de mise à mort de ce mystère par le constant retour du quotidien. Les hommes se définissent par leur mouvement, constant, voué à se répéter encore et encore ; l’île, au contraire, ne bouge pas, s’érige en paradis extérieur renfermant les peines les plus éprouvantes. L’œuvre de Kaneto Shindō revient aux fondements de la culture japonaise pour délivrer un véritable joyau de cinéma, aussi contemplatif que trépidant, où la tendresse de certaines scènes – notamment la pêche d’un gros poisson et son commerce en ville – perce dans la rugosité ambiante de magnifiques halos de lumière et d’espérance.
Kaneto Shindō est un réalisateur exigeant. Il atteignait avec ce film de 1960 une épure qui peut fasciner ou rebuter. L'un n'est pas incompatible avec l'autre d'ailleurs ! L'île nue, comme son titre l'indique, centre l'histoire sur une petite île japonaise assez hostile. Très pentue, l'eau potable y est inexistante. La famille qui vit dessus est donc condamnée à faire des aller-retour incessants avec le continent. J’utilise le terme "condamnée" car ses membres ne s'arrêtent jamais de travailler. Une scène revient de façon récurrente durant tout le film : les parents se rendent en barque sur le continent, remplissent deux grands seaux d'eau, les ramènent en barque au bas de l'île, puis les montent à dos d'homme - et de femme - sur un minuscule chemin escarpé jusqu'aux plantations à flanc de colline. Et ce quel que soit le temps... Cette abnégation, pour ne pas dire ce sacrifice, force le respect. Dans le même temps, j'étais pris d'un sentiment de malaise, parfois même de révolte, devant cette accumulation d'efforts, de prise de risques, de place si réduite pour les loisirs, le plaisir ou la contemplation. Très vite, je me suis demandé ce qui se passerait pour cette famille très isolée en cas de gros pépin. Le film apporte d'ailleurs une réponse. Les plans sont magnifiques, les acteurs excellents, et la petite musique sied bien au sujet. Un film fort, qui annonçait le futur chef d’œuvre du réalisateur, Onibaba.
Un film japonais sur le drame du quotidien de paysans sur une île isolé du monde et d'eau courante.pas un seul dialogue, pas un seul mot prononcé dans ce film et c'est la, je trouve la gageure du film. L'histoire est simple mais dure, les paysages sont classiques mais filmés ici avec beaucoup d'esthétisme. Film pas facile mais beau film quand même.
Il s’agit d’une chronique, au fil des saisons, sur un ilot (Sukune) de la mer intérieure de Seto, entre les 3 îles principales du Japon, Honshū (où se trouve Hiroshima dont est natif le réalisateur, Shikoku et Kyūshū. Le film est surestimé à cause de sa belle photographie et son minimalisme (sans dialogues) et de son néo-réalisme contemplatif. On peut le voir comme une illustration du mythe de Sisyphe (personnage condamné, pour avoir voulu défier les Dieux grecs, à pousser un rocher jusqu’en haut d’une colline d’où il en redescendait à chaque fois) mais il est trop long (1h34), trop lent, empreint de misérabilisme et de pathos. La répétition des scènes de portage d’eau douce dans 2 baquets reliés par une perche en bois et la montée au sommet de l’îlot, de nuit comme de jour (à partir d’un ruisseau d’une île voisine que le couple atteint en barque manœuvrée à la godille) est fastidieuse (le spectateur a compris le côté répétitif et fatiguant, sans besoin que le réalisateur insiste lourdement pendant les 30 premières minutes du film). N’oublions pas que le cinéaste se focalise sur un couple de marginaux (certes, un des enfants est scolarisé), ayant perdu une part d’humanité (car ne se parlant pas) qui a décidé de vivre sur un îlot, sans eau douce et de cultiver, en terrasse, des légumes à tubercules et des céréales, sans récupération de l’eau de pluie (c’est-à-dire en mettant la charrue avant les bœufs) et à quelques encablures du monde moderne (restaurants, magasins de télévision, téléphérique, etc.). Seule la musique (accordéon, guitare) d’Hikaru HAYASHI (1931-2012), 29 ans à l’époque, évite l’assoupissement.
Dommage que ce film soit en noir et blanc parce qu'il y gagnerait à être en couleurs. Musique très belle, heureusement.... parce qu'il n'y a qu'elle, un décor splendide (tant pis pour la couleur) et des personnages qui vivent durement et affrontent la vie avec dureté également.
L’île Nue comme la nommé Kaneto Shindo est un film très éprouvant ! L'immersion dans le quotidien de cette famille est pénible tant la souffrance les habites, on subit la météo et les affres habituels avec eux ... La répétition ici est la métaphore du travail de sape auquel se livre l'homme et la femme, l'erreur n'est pas permise y compris entre eux puisque celui-ci n'hésite pas à giflé sa compagne lorsqu'elle s'écroule sous la difficulté de la charge qu'est la sienne. La seconde chute de cette dernière dans les ultimes instants du film laissera le mari dans une tout autre posture et pourtant le regard qu'elle lui renvoie laisse sous-entendre un geste ou une attention de sa part ... Cette fin est d’ailleurs le point culminant de ce long métrage, ils finissent par reprendre les habitudes qui sont les leurs, ils soignent et s’occupent de leurs terres avec méthode et soin comme ultime acte de poésie et de courage à la manière du réalisateur. Oui il filme cette histoire avec âpreté mais jamais à défaut du lyrisme bien au contraire puisque la caméra est partie intégrante du film, Kaneto Shindo est un poète et un esthète. Ce film est donc très déstabilisant, on y va aux forceps, forcément les heurtes font mal ... J'y reviendrais dans quelque temps.
D'une aridité et d'une densité exceptionnelles, aidé par un partition envoutante et langoureuse, ce film mérité plus qu'un détour, un arrêt simple, afin de le voir et revoir, à volonté. Open bar d'eau, Joyce ?
L’épure règne dans «Hadaka no shima» (Japon, 1960) de Kaneto Shindo, si bien que le film se défait de tout dialogue, laissant le soin aux images et à leur agencement d’évoquer les pensées intimes de la famille paysanne sur laquelle le film se concentre. Réalisé en pleine nouvelle vague japonaise, cette œuvre de Shindo éparpille sur une longue brèche temporelle le quotidien difficile et laborieux d’une famille d’agriculteurs habitant une petite île dressé comme un pic. La première partie opère une précieuse introduction, visant à établir d’emblée la dureté quotidienne à laquelle se plie la famille pour survivre. Un mari, une femme et deux fils la composent. Dès les premières bobines, Shindo instaure un registre passionnant. En montrant les mêmes gestes répétés avec la même précaution, une litanie s’impose et confère aux séquences une rythmique liturgique. Chacun des pas que pose la mère sur le sol, le dos courbé par la charge des seaux d’eau qu’elle soulève, menace de tanguer et de faire choir ce qu’elle porte, réduisant à néant son travail. En centrant son regard, par des gros plans, sur cette marche douloureuse vers le sommet de l’île, Shindo fait de la besogne paysanne un sujet apte au plus intense des suspens. «C’est dans sa forme pure, qu’un art frappe fort» écrivait Bresson. Shindo, bien qu’il n’épure pas entièrement son œuvre puisqu’il conserve une musique en leit motiv composée par Hikaru Hayashi, tend vers un style cinématographique brut. La première partie évite les sommets dramatiques pour se concentrer sur la petite douleur que vit comme habitude ces pauvres gens. La seconde, fortifiée du ton mineur de la première, explose par son drame. Dans le silence, les plus modestes murmures résonnent comme des coups de canon. Sur ce modèle, Shindo instaure dans un désert d’évènements un sursaut émotionnel, prenant le spectateur dans sa quiétude. «Hadaka no shima» préconise un cinéma sans afféteries pour mieux ériger des sensations profondes.