Film magistral ! le film d'horreur de Nacho Cerdà est magistral. Il est cependant foncièrement différent de la plupart des autres. La différence se trouve dans la formation de la peur. Dans la même veine qu'un Mirrors sortit à la même période, ou que un Us plusieurs années après, le réalisateur espagnol fonde les émotions horrifiques d'après les propres peurs de son personnage principal. Mirrors se voulait complètement surnaturel, Us pas vraiment dans le fond, tandis que Abandonnée ne l'est pas du tout. Abandonnée n'a rien à voir avec par exemple un film comme Martyrs qui traite le personnage principal avec une atrocité sans précédent et dont le Mal (donc la peur) provient de l'autre. Abandonnée n'a également rien à voir avec tous les slashers et autres survival sortis à la même période, comme les reprises Halloween ou même un film comme The Children. Ceux-là visent à s'en prendre au(x) personnage(s) principal quitte à inventer les pires sévices physiques que l'imagination humaine peut créer cinématographiquement. Donc Abandonnée n'est peut-être pas un film d'horreur parmi les plus effrayants sortis à cette période (et il y en a eu une quantité innombrable sur la scène internationale dès la deuxième partie des années 2000... les Saw, Hostel, etc.). Pendant que la plupart ont cherchés à cette époque à repousser les limites de l'horreur avec parfois des scènes intenables allant jusqu'à se heurter continuellement à la Censure, Abandonné offre une expérience ni horrifique, même pas d'épouvante, mais plutôt une instrospection psychologique du personnage principal. Et de toute évidence, il ne tombe pas dans le survival. Les fantômes ne pourchassent pas les personnages principaux et à la limite rien ne prouve objectivement que ces fantômes veulent du mal aux personnages. On est par ailleurs bien en dehors du slasher, qu'on peut trouver parfois dans certains scènes du film Us, notamment quand les personnages sont traqués jusqu'à l'intérieur de leur maison. Là, l'effroi est généré d'après les peurs que transervent Marie, la personnage principal. Anastasia Hille est d'ailleurs une actrice relativement peu connue mais elle assure très bien son rôle du début à la fin. C'est d'ailleurs tout autour de son personnage que se compose le récit. Les propres peurs de son frère découlent également de celles de Marie. Il n'y a d'ailleurs que très peu d'antagonistes tout au long de cette heure et demie. Hormis un second personnage, qui n'est autre que Nikolai (frère de Marie), interprété par Karel Roden, il n'y a presque personne. Personne, hormis... leurs doubles déjà morts. Nacho Cerdà sait en effet parfaitement bien mener son film, et il fait prendre conscience à celui ou celle qui regarde la manière dont Marie et Nikolai vont sombrer progressivement pas forcémment dans une dimension parrallèle, mais dans une sorte de démence intérieure et profonde. Une démence qui est crée de toute pièce par ces deux mêmes personnages (voir lorsque Marie passe en revue la chambre avec sa lampe-torche, par exemple). Leurs doubles "morts" ne leur portent aucune attaque et ne s'en tiennent qu'à les approcher (donc eux-mêmes, mais "vivants"). Marie est productrice de Cinéma et est mère d'une adolescente qui à première vue n'a pas de soucis particuliers dans sa vie, hormis peut-être quelques dérogations vis-à-vis du petit copain de sa fille, et elle s'en va retrouver sa maison natale en Russie surtout pour y reconnaître ses propres origines plutôt qu'autre chose ; un manque parental à combler par exemple. C'est à partir de là qu'elle va être abandonnée, au beau milieu d'une forêt elle-même abandonnée où il n'y a pas âme qui vive. Sauf que si : elle va rencontrer des esprits ou autres fantômes qui se révèleront être le fruit de ses propres peurs, autant faut-il préciser qu'elle fut abandonnée lors qu'elle fut en bas-âge. La peur, que créé Nacho Cerdà, est de ce fait complètement subjective et a pour effet d'être autodestructrice. Autodestructrice surtout par rapport au personnage principal que par rapport à celui ou celle qui regarde, à la différence des autres films d'horreur tradidtionnels car visent à faire peur au spectacteur ou à la spectatrice (notamment slahers et autres survival, avec nombreux jumpscares). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les mirroirs sont souvent mis en scène dans ce titre, même si ce n'est pas traîté pareil qu'un film comme Mirrors, car Nacho Cerdà ne s'en sert que pour l'illustration du propos. Dans Us, le mirroir au début du film sert de fil conducteur à tout le film, mais Abandonnée reste en retrait, sans s'en servir véritablement ni-même pour trouver une raison à l'horreur ou l'épouvante. C'est sur tous ces fondements que Nacho Cerdà a construit ce titre formidable et hautement psychologique, en filmant Marie (et partiellement Nikolai) progressivement jusqu'à son autodestruction sans la moindre résilience comme il est habituel de le voir ailleurs également (notamment dans les survivals où parfois on a l'impression que le personnage principal devient carrément un commando de guerre). Dans son film, on regarde Marie dépérrir progressivement et de plus en plus jusqu'à son propre anéantissement, totalement incapable de garder suffisamment de conscience pour déguerpir des lieux toute seule et d'elle-même. La peur ne monte pas non-plus crescendo comme c'est le cas pour les autres, et c'est presque avec des sentiments de pitié ou de compassion que l'on termine le visionnage de ce film. Le réalisateur pousse d'ailleurs le bouchon jusqu'à faire dériver son personnage atrocement avec scènes de crises d'angoisses qui doivent être insupportables à vivre. C'est dans ces conditions qu'on est amené à faire preuve de pitié ou de compassion vis-à-vis de ce que traverse Marie. Ce sera même si insurmontable pour elle qu'elle va commettre l'irréparable à la fin pour que tout ceci s'arrête. Tout comme le film Us, que je pense être un des plus ressemblants ou rapprochants (mais sortit plusieurs années après), Abandonnée est un de ces films d'horreur rares et immensémment profonds qui a la capacité de plonger quiquonque dans les tourments d'un personnage quitte à en éprouver presque une délivrance après le (volontaire) accident final, tellement la charge d'angoisse et le traumatisme lui sont profonds. Dôté d'un solide jeu d'acteur et d'actrice, mais aussi d'un muni d'un scénario très bien ficelé, ce film d'horreur du réalisateur espagnol Nacho Cerdà, sorti en 2007, est une vrai prouesse artistique dans le genre avec ce qu'il fourni et comment il le fourni.