La trilogie des Infernal Affairs commençait déjà avec le deuxième épisode à tirer en longueur du côté du brouillon et du remplissage; même si le film était très bon, on ressentait dès le départ un côté bouche-trou et développement bordélique qui pouvait laisser penser au spectateur déçu de la suite que la franchise racontait peu sur du rien afin d'entretenir un succès surprise à la réputation pratiquement intouchable.
Là où le schéma commençait tout de même à se répéter et les enjeux à s'amoindrir (connaissant la fin du premier, comment s'inquiéter pour les deux personnages principaux plus jeunes de 7 ans?), la véritable suite du premier, soit ce troisième épisode, s'inscrivait également dans le syndrome de la suite possiblement inutile élargissant une intrigue et son univers de façon artificielle, puisqu'elle sonnera le glas de la franchise en fin de bobine.
Pour tout amateur du premier film qui aura également apprécié le second et attendait de voir cet ultime épisode avec une certaine impatience, on ressent quand même le remplissage et le côté vain de cette conclusion pourtant formellement convenable. Ce qui plaisait dans les deux films précédents ne manquant pas à l'appel, on retrouvera l'inévitable montage dynamique compliquant une intrigue déjà bien alambiquée, les inévitables jeux de dupe et sous-entendus bien sentis, les acteurs charismatiques campant des rôles ambigus balancés dans un scénario aux rebondissements multiples et souvent imprévisibles.
Là où il rate cependant le coche, c'est parce qu'il se construit presque exclusivement sur l'héritage laissé par le premier, qui invitait dans sa conclusion à changer les personnages de nature et ne sous-entendait aucune suite probable : le lien avec sa conclusion, trop rapidement fait, se répète trop souvent dans des scènes de flashback toujours aussi forcées, et d'autres de psychanalyse directement construites en écho de celles du grand frère.
Intervertir les rôles, faire passer un personnage dans la personnalité d'un autre en le faisant reproduire le schéma de la vie de ce dernier résume finalement le développement du protagoniste de ce troisième épisode, sorte d'hystérique en plein burn-out ayant abandonné tout le charisme et la force de caractère qu'il pouvait présenter dans l'original. Et tandis que l'intrigue s'évertue à perpétuer en écho le déroulé de l'aîné, on ne peut s'empêcher de comparer les deux long-métrages en notant très clairement que cette conclusion n'apporte rien de neuf, comme on pouvait s'en douter, aux codes développés précédemment.
Les répéter ne faisant que rendre plus prévisible l'intrigue, cette dernière sera noyée dans une introspection répétitive et langoureuse pour finalement pas grand chose, le gros de l'approfondissement de la personnalité du protagoniste ayant été présenté dans le premier film, et si l'idée de détruire nos certitudes à son encontre pouvait être intéressante, l'avoir bâti comme un ersatz de son ennemi culte ne fera que ridiculiser sa posture et annihiler son charisme d'antan.
Et pourtant, Infernal Affairs III fonctionne la plupart du temps : déjà parce que la trilogie jouit d'une identité visuelle propre à elle, entre le clip et le classique, que la présence fidèle d'Alan Mak et Andrew Lau aura perpétué du début à la fin de la trilogie, et parce que l'écriture, tout aussi répétitive qu'elle puisse paraître, reste suffisamment honnête et imaginative pour surprendre toujours autant le spectateur, qui ne demandait finalement que cela.
Il se fait balader, s'emmerde certes un peu mais termine bouche-bée lorsque survient le climax tant attendu, et surtout si bien rendu qu'on se croirait revenu à la surprise sidérante de l'ascenseur dans l'hôtel. Comment le considérer alors comme un film décevant, s'il se perd un peu en milieu de bobine pour se retrouver dans une explosion de ressenti sur sa dernière demi-heure aboutie, désarçonnante, tendue à s'en faire péter la carotide?
Si ce n'est pas un grand cru, Infernal Affairs III reste une bonne cuvée pour terminer un repas jusqu'ici très solide.