Pour incarner un personnage aussi complexe, très éloigné des rôles comiques qu'il a souvent joués, José Garcia explique qu'il lui a fallu trouver à ce Bruno Davert "une vraie raison, parce qu'entre être prêt à tuer et tuer, il y a ce pas infranchissable." Le comédien, que Costa-Gavras compare à Jack Lemmon (son interprète de Missing), en est arrivé à la conclusion suivante : "Je me suis rendu compte qu'à partir du moment où quelqu'un décide que son travail est tout pour lui, ou que sa famille est tout pour lui, ou que Dieu est tout pour lui (on est en plein dedans !), il est capable de faire les choses les plus extrêmes car il se persuade alors de la nécessité de son geste." A propos de la difficulté du rôle, il confie : "(...) c'est un film qui me met dans un doute terrible. J'ai fait le film de ma femme (Rire et châtiment d'Isabelle Doval), j'ai fait quelques films comme ça où je suis de 1 à 2, mais là, autant de plans sur ma gueule ! (...) Il m'a fallu inventer de l'intérieur à l'extérieur, ça m'a plongé dans une fragilité, pas la fragilité de faire un tueur, mais une fragilité par rapport à mon métier comme un univers que je commence à découvrir au fur et à mesure."
"Comme il existe de la science-fiction, de la politique-fiction, on peut faire aussi du social-fiction., déclare Jean-Claude Grumberg, qui a cosigné avec Costa-Gavras l'adaptation du livre de Donald E. Westlake. Il ajoute : "C'est en ce sens que le roman est universel, c'est-à-dire qu'il présente le bout de la route de l'individualisme que nous sommes en train de vivre. Nous sommes bien sûr dans une vision extrême, mais c'est un conte moral contemporain. Moral au sens que lui donnait Voltaire ou Diderot, c'est-à-dire amoral. Voltaire et Diderot racontaient une situation amorale pour faire ressurgir en nous le sens moral. En gros, à la question : "Est-ce que demain on veut vivre dans une société pareille ?", la réponse est non bien sûr. Mais le film alerte sur une sorte de nouvelle sauvagerie, de nouvelle barbarie. On peut dire que c'est la suite d'Amen. : dans quel monde sommes-nous entrés à la sortie du nazisme ?"
Le Couperet est tiré d'un roman homonyme du prolifique auteur américain Donald E. Westlake. Originaire de Brooklyn, l'écrivain, connu pour ses polars acides, est depuis longtemps une source d'inspiration pour des cinéastes aux univers très différents. Parmi les films adaptés de son oeuvre, on peut ainsi citer Made in USA de Godard, Le Point de non retour de Boorman, Le Jumeau d'Yves Robert, ou encore Payback de Brian Helgeland. Quelques mois avant la sortie du Couperet, on pouvait voir deux films de jeunes auteurs français inspirés d'ouvrages de Westlake : Je suis un assassin de Thomas Vincent (dans lequel figurait Karin Viard) et Ordo de Laurence Ferreira Barbosa. Ajoutons que l'écrivain est lui-même scénariste : il a notamment signé, à partir d'un roman de son confrère Jim Thompson, le script des Les Arnaqueurs de Stephen Frears (1990).
Donald E. Westlake avait précisé à l'éditeur français François Guérif ses intentions concernant Le Couperet. Guérif se souvient : "(...) il me confia que l'idée du livre lui était venue lorsqu'une amie, cadre supérieure dans une banque, lui avait parlé des réactions extrêmement diverses des gens pendant les entretiens de licenciement qu'elle avait dû mener au cours des quatre dernières années. C'est alors, disait-il très smplement, que la voix du personnage du Couperet avait commencé à naître : je l'ai suivie et elle m'a amené à la description d'une sorte d'inhumanité au quotidien, une inhumanité d'ailleurs pas simplement américaine."
Fidèle au roman de Westlake, Costa-Gavras a choisi la forme du thriller pour conter cette histoire qui fait écho à l'actualité la plus brûlante : le chômage, les licenciements, le modèle économique ultra-libéral sont en effet les thèmes abordés par le film. Cinéaste engagé, Costa-Gavras s'est souvent emparé de sujets délicats, qui renvoient plus ou moins directement à une réalité politique : la dictature des Colonels en Grèce (Z, 1968), le totalitarisme soviétique (L'Aveu, 1970), les activités de la CIA au Chili (Missing, 1981), la montée de l'extrême-droite dans l'Amérique profonde (La Main droite du diable, 1987), le procès des criminels de guerre nazis (Music Box, 1989), ou encore l'attitude de l'église pendant la Seconde Guerre mondiale (Amen., 2002).
Le spectateur doit-il éprouver de la sympathie pour ce chômeur serial-killer ? Costa-Gavras donne son point de vue : "J'espère que le spectateur sympathisera avec lui dans un premier temps, et que dans un deuxième temps, il se dira : mais diable pourquoi je sympathise avec lui ? Alors le film aura joué son rôle : celui d'un spectacle à l'intérieur duquel un personnage exceptionnel nous conduit au plus profond de nous-mêmes et nous met en perspective dans cette société où nous sommes à la la fois acteur, spectateur, victime et bénéficiaire (...) Bruno ressemble à la société dans laquelle nous vivons, et où l'on ne se pose pas le problème moral des conséquences des pertes."
Après deux grosses productions, Mad City avec le duo Dustin Hoffman-John Travolta, puis Amen., Le Couperet est un projet plus modeste pour Costa-Gavras. Coproduction franco-belge, tournée en grande partie à Liège, Le Couperet a notamment été financé par Les Films du Fleuve, qui n'est autre que la maison de production des réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne. On retrouve d'ailleurs au générique du Couperet le comédien-fétiche des frères belges : Olivier Gourmet. Celui-ci établit un parallèle entre le film de Costa-Gavras et ceux des Dardenne, comparant Bruno Davert à Rosetta, "cette jeune fille sans emploi, livrée à elle-même, qui perd toute dignité humaine et lutte." Il ajoute : "C'était presque un film de guerre sur la recherche d'un emploi mais elle, elle ne va pas jusqu'à tuer. Dans Rosetta, la question était posée, Bruno, lui passe à l'acte. Il va très loin, c'est peut-être encore plus véridique que Rosetta parce qu'il y a des gens qui sont comme cela aujourd'hui."
Une personnalité inattendue fait son apparition dans un commissariat lors d'une scène du Couperet : le cinéaste américain John Landis, qui joue le rôle du père d'un ami de Maxime, le fils du héros. Ce cameo ne surprendra cependant pas les aficionados de l'auteur des Blues brothers et du Loup-garou de Londres, puisqu'on pouvait apercevoir dans deux de ses longs-métrages, Série noire pour une nuit blanche et Stupids un certain... Costa-Gavras.
Après lui avoir confié le rôle d'un officier SS dans Amen, Costa-Gavras a de nouveau fait appel au comédien allemand Ulrich Tukur : il interprète dans Le Couperet un des "concurrents" de Bruno Davert. Le film marque également la troisième collaboration du réalisateur avec le scénariste et dramaturge Jean-Claude Grumberg, qui a déjà co-écrit La Petite Apocalypse et Amen. Signalons que Grumberg fait une apparition dans Le Couperet : témoin d'un drame, il est interrogé par une équipe de télévision.
Tout au long du film, le regard du personnage principal s'arrête sur des panneaux publicitaires. Ceux-ci ont été conçus par Oliviero Toscani, photographe à la réputation sulfureuse, qui signa notamment plusieurs campagnes controversées pour la marque Benetton.