Rapidement élevé au rang de classique incontournable des films de Noël, La vie est belle offre un souffle d'humanité bienfaiteur à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
Au lendemain de ce conflit majeur, en 1945, Frank Capra cherche à s'émanciper des grands studios hollywoodiens en créant son propre studio : Liberty Films. C'est dans ce contexte que La vie est belle voit le jour, l'année suivante. Capra rachète les droits des studios de production RKO et adapte, avec l'aide de plusieurs scénaristes, la nouvelle "The Greatest Gift" rédigée en 1939 par Philip Van Doren Stern, dont il s'agit de l'oeuvre la plus connue. Pour le tournage, le décor de la ville de Bedford Falls est l'un des plus grands jamais construits, avec une surface de 16 000 m² (soit un peu plus de deux terrains de football). En plus de cette superficie exceptionnelle, Frank Capra apporte une innovation majeure en modifiant la technique des faux flocons de neige que l'on peut voir à l'écran pour la remplacer par une neige chimique, dont l'utilisation a l'avantage majeur d'être plus silencieuse.
Pour porter son film au cinéma, Franck Capra commence par s'entourer de James Stewart, avec qui il a déjà collaboré dans Vous ne l'emporterez pas avec vous (1938) et Mr. Smith au Sénat (1939). Même si l'acteur déclara plus tard qu'il s'agit de son rôle préféré, il n'était pas le premier choix pour interpréter l'altruiste George Bailey. En effet, lorsque le projet du film était encore dans les cartons de la RKO, c'était Cary Grant qui était pressenti, mais il finit par refuser, peu convaincu par le scénario. Aux côtés de James Stewart, on retrouve l'élégante et gracieuse Donna Reed, qui s'est notamment faite remarquer l'année précédente dans l'adaptation du roman d'Oscar Wilde, le Portrait de Dorian Grey. Lionel Barrymore, qui est alors sur la fin de sa carrière, fait une apparition assez ironique en comparaison de celle qu'il tient dans Vous ne l'emporterez pas avec vous, huit ans plus tôt. Dans cette autre création de Frank Capra, l'acteur est dans un rôle diamétralement opposé, jouant ainsi un grand-père fuyant le pouvoir de l'argent au profit de valeurs sociales et charitables. Or, dans La vie est belle, le voici dans la situation inverse, interprétant le rôle du méchant banquier avare, voleur et sans scrupules. De fait, on le préfère tout de même lorsqu'il est du bon côté. Enfin, dans la peau de l'ange envoyé sur Terre pour sauver la vie du personnage principal, Henry Travers obtient ici le rôle le plus marquant de sa carrière.
A sa sortie dans les salles, La vie est belle n'obtient qu'un succès mitigé, et ce n'est que grâce à ses diffusions et rediffusions à la télé au cours des périodes de Noël que le film devient un classique. D'ailleurs, précisons que ces diffusions purent avoir lieu grâce à une erreur, qui ne permit pas le renouvellement du film et le plaça dans le domaine public pendant près de vingt ans. Quoiqu'il en soit, aujourd'hui, la notoriété de cette réalisation n'est plus à prouver, en témoigne sa vingtième place dans le classement des 100 meilleurs films de l'histoire selon l'American Film Institute.
Frank Capra y reprend ses thèmes habituels, dénonçant le pouvoir de l'argent pour rendre un éloge à l'amitié et à la solidarité. Toutefois, même si on insista beaucoup sur la manière comique avec laquelle le cinéaste traite ces sujets, il ne faut pas oublier la trame dramatique, avec un homme ruiné et humilié qui songe au suicide pour se débarrasser de ses problèmes. De fait, La vie est belle peut être visionnée selon deux niveaux de lecture : celui d'une comédie de Noël aux valeurs idéales, aux traditions familiales et à l'issue heureuse, ou celui d'un drame, avec une Amérique rongée par l'argent et la crise financière.
Finalement, même si ce conte/drame bénéficie aujourd'hui d'une grande reconnaissance, il faut objectivement reconnaître qu'il se rapproche beaucoup des téléfilms de Noël, avec toutefois un fil narratif bien plus construit. Mais l'atmosphère magique et féerique peut être assez déroutante lorsqu'on connaît les précédents rôles de James Stewart, plus sérieux et convaincant, ainsi que certaines précédentes réalisations de Frank Capra, habitué à traiter ses thèmes de prédilection avec un plus grand réalisme. D'ailleurs, ce registre comique et fantastique est-il la raison de l'échec du film au cinéma ? La question mérite d'être posée.