Non, Mr Potter, vous ne l'emporterez pas avec vous… notre humanité
La vie est belle est un chef d'œuvre intemporellement féerique, archétype de l'esprit de Noël, éclatant sous une couche d'affectivité et d'enthousiasme sans pareil. Comment ne pas se reconnaître dans le personnage de George Bailey, idéaliste sacrifié, allégorie de l'humanité ? Ce juillettiste contemplateur monopolise notre attachement tant au cours de sa jeunesse exaltante d'idéalité que pendant sa prise de maturité doublée de désillusions, faisant le bonheur des autres aussi bien que sa déconvenue. Son déboire n'est autre que Potter, usurier sans scrupules, incarnation de Satan, s'enrichissant sur le dos des infortunés. Potter, malgré son hégémonie pécuniaire, n'arrivera pas à vaincre l'humanité, la bonté incarné par George, secondé par son ange gardien Clarence qui lui rappellera sa place de pilier dans la communauté de Bedford Falls, utopie lointaine, terre de l'espoir en tout homme, symbole de l'American Dream où le raté du coin est le millionnaire de demain: "C'est étrange, non ? La vie de chaque homme touche tant d'autres vies que lorsqu'il n'est plus là, il laisse un trou affreux, n'est-ce pas ?". En effet, on ne connaît ses vrais amis que dans l'adversité. Capra façonne donc ses personnages de façon à en donner une vision innocente, débordants de générosité mais opprimés par le capitaliste et le patricien, de manière à y mêler un fond de crise économique.
Quelle puissance émotionnelle se dégage de ce bijou cinématographique, c'est incroyable ! Mais qu'est-ce qui fait la force de monument du cinéma américain ? Pourquoi se sent-on si vivant à travers ce talisman sentimental ? C'est tout simplement un ensemble de choses inexplicables. Peut-on encore croire en l'humanité ? Frank Capra a la réponse.
La Vie est Belle, sur le papier, est loin d'avoir ce grain de folie, ce trait de génie scénaristique et pourrait ressembler aux premiers abords à un conte de Noël académique d'une banalité abusive, sombrant brièvement dans un passe-temps niais, pleurnichard, alourdissant et agaçant. Mais il n'est point question de cela dans ce film exceptionnellement époustouflant. En effet, Frank Capra détourne habilement les "bons sentiments" en les sublimant et en les amplifiant, non pas pour provoquer un sentiment d'exagération mais bien pour nous submerger d'une incommensurable envie de bonheur, aspiration commune à tous mais pourtant si rarement rencontrée. Frank Capra se fait alors l'expression des pensées du philosophe antique en apportant un bonheur inqualifiable à son spectateur, état durable de satisfaction, par le biais de cet happy end, idéal utopique inaltérable et à tout jamais persistant dans notre entendement. Frank Capra propose ainsi, toute au long de sa filmographie, une vision plus ensoleillée des difficultés de la l'homme ordinaire au sein de la société moderne et développe des contes candides exaltant la bonté des gens ordinaires et la valeur des rêves modestes, même non exaucés.
D'un optimisme populiste jouissif, It's a Wonderful Life bénéficie d'un scénario tout en légèreté, profond et complexe à la fois, représentation onirique de La Dolce Vita et du Carpe Diem, regorgeant d'émotions pures et sincères aboutissant à l'un des dénouements heureux les plus intenses de l'histoire du cinéma, d'une puissance inégalée par sa convivialité. C'est l'apothéose pour Frank Capra, grand rêveur, poète des temps modernes, père Noël de nos films d'enfance qui par sa mise en scène incroyable égaye notre réveillon. Véritable hymne à la vie, Capra signe le film PARFAIT, éblouissant dans toutes ses formes tant dans sa construction narrative que dans l'émotion magnifiée qu'il confère. L'impact émotionnel procuré est si intense qu'on ne peut en ressortir indemne. On pourrait même dire qu'il y a un avant et un après La Vie est Belle. Sûrement le seul film qui donne foi dans le triomphe de l'esprit humain. A vrai dire, on a tous un George Bailey dans notre cœur et un Clarence qui veille au dessus de nos têtes…
Joyeux Noël à tous et que George Bailey soit avec vous…