Sommeil amer : les secrets du tournage

Lorsque le réalisateur rencontra Abbas Esfandiari (qui joue son propre rôle dans le film, comme la plupart des autres acteurs), Mohsen Amiryoussefi avait déjà pensé à faire un documentaire sur le rituel de la mort dans son pays. Après un premier court-métrage, avec Esfandiar, Les mains de marbres, il admit que ce dernier était "déjà un personnage en lui-même [...] à l'ecran, il est comme dans la vie. Il a la même manière d'aller à vélo, de marcher, de parler. Le cimétière sur lequel il règne n'est pas l'unique de la ville, mais dans celui-là il fait autorité." Il composa donc avec la réalité qu'il l'entourait, une refléxion sur la mort.

Le réalisateur Mohsen Amiryoussefi a été confronté à la mort dès l'enfance lors de la guerre Iran/Irak : les noms des martyrs étaient donnés aux plaques des rues, un bouquet de fleurs avait remplacé la place d'un de ses camarades de classes mort au combat, un de ses cousins auquel il était très attaché est mort subitement suite à des bombardements chimiques... Il était donc logique qu'Mohsen Amiryoussefi s'intéresse un jour ou l'autre à la question de la mort et en paticulier du corps : les cadavres. "Être ou ne pas être, c'est la même chose !" , s'exlame Esfandiar dans le film.

Tout les mots qui sortent de la bouche des personnages sont les leurs. Comme cette réplique adaptée d'Hamlet : "Être ou ne pas être, c'est la même chose !". Mohsen Amiryoussefi créait des situations et laissait ses acteurs improviser le reste : "J'ai dit à Esfandiar, que sa mort approchant, il pourrait en parler avec Yadollah, ce personnage opiomane qui creuse les tombes. C'est alors qu'il a dit spontanément cette phrase sur "être ou ne pas être" mais je peux vous assurer qu'il ne connaît pas la tirade shakespearienne. En même temps, cela émane d'une pensée religieuse qui veut que la mort n'est pas une fin en soi."

Dans le film, comme dans la vraie vie, Abbas Esfandiari est un véritable accro des images ! Quand il n'est pas devant la télé, il observe ses contemporains avec une paire de jumelles du haut d'une montagne. Dans le film, le réalisateur eu l'idée de le prendre à son propre piège, c'est à dire, de diffuser sur la télévision qu'il regarde des images de lui-même (tournée à la base pour le documentaire qu'il avait prévu initialement). Il raconte : "Esfandiar se comporte avec ses jumelles comme un vrai voyeur de la vie des autres. C'est pourquoi je l'ai introduit lui-même "dans" la télévision afin qu'il soit pris à son propre piège. Qu'il imagine que d'autres pourraient le regarder ! Je lui ai expliqué "le phénomène" mais il ne comprenait pas vraiment comment il pouvait se voir en train de vivre sur son écran de télévision ! Bien que nous ayons essayé de le lui faire comprendre, il n'était pas toujours d'accord avec nous."

Comme pour beaucoup de cinéastes, c'est très tôt que Mohsen Amiryoussefi a eu envi de faire des films. C'est tout d'abord avec la lecture que lui ai venu le goût du théâtre, puis de l'écriture de scénario et enfin de faire des films. Mais avant d'en arriver là, ce sont les mathématiques et la physique, qu'il étudie à la faculté des sciences ! Et lui-même avoue : "si je n'avais pas fait ces études, il me manquerait quelque chose pour réaliser mes films. Je pense sans aucune prétention que j'ai un esprit de synthèse vis-à-vis du cinéma qui vient de ma formation scientifique."