Comme beaucoup de films "high concept" , c'est à dire reposant sur une idée forte et accrocheuse, Combien tu m'aimes est né... simplement. Bertrand Blier s'explique: "j'ai d'abord pensé à un homme qui passe tous les soirs devant un bardans lequel se trouve une fille sublime. Ce qui est une chose banale.Moi j'habite près de Pigalle et il m'est arrivé de passer devant des barsoù il y a des filles vraiment sublimes, pas des demi-portions mais devrais canons. C'est un type dont on imagine qu'il a une vie privée pastrès reluisante, probablement par timidité. Il n'a pas le physique quicorrespond aux canons de notre époque. Il en souffre. Il est un petitpeu "houellebecquisé". Le choix des acteurs est très important danscette histoire. Un film c'est quoi ? Le choix des acteurs. On peut toujoursécrire une histoire mais quand on n'a pas les acteurs, l'histoirereste dans le tiroir.
Interrogée sur la manière dont elle a appréhendé son rôle, Monica Bellucci indique s'être sentie un peu déstabilisée au début, mais un heureux événement est venu la soutenir: "Comme femme, je me sens plus heureuse. La maternité était vraimentune expérience que je voulais vivre. Tomber enceinte, accoucher,allaiter, tout ça m'a comblé. Pendant le tournage, ma fille était avecmoi dans la caravane et cela m'a beaucoup aidé. Tourner une scèned'amour et donner le sein deux minutes après, c'était pour moi trèsbeau, très sain de passer ainsi de l'actrice à la femme. D'ailleurs, lefait que ma fille soit toujours avec moi me permet d'oublier que jetravaille beaucoup."
A propos de son personnage, Monica Bellucci avoue avoir été agréablement surprise à la lecture du scénario: "Dans sa façon de s'habiller, [Daniela]ne fait pas pute. Moi, en lisant le scénario, je croyais qu'elle devraitporter des porte-jarretelles, mâcher du chewing gum, marcher lesseins en avant, faire la pute quoi! Mais pas du tout! Il s'agit d'unefemme sensuelle mais très classique, qui porte des jupes normales,des petits pulls, des talons aiguilles et un manteau très correct aveclequel elle pourrait même aller à la messe. En fait, le personnage n'estpas vulgaire. Ce qui est fort de la part de Blier. Et il y a beaucoupd'ironie dans ce personnage quand elle dit : "je suis faite pour êtreaimée, je suis faite pour ça". C'est drôle, non? Je crois qu'elle est faitesurtout pour être désirée."
Bernard Campan, sur le personnage de Daniela: [Elle est] une icône de l'amour, de la forme, des formes, de la chair. Ellesymbolise l'idéal féminin, j'imagine. Il voit en elle trois femmes en une :une amante, une compagne et une mère. Il bande comme un fou pourelle! Il veut l'épouser, avoir des enfants. C'est une histoire d'amourexplosive et toute bête! En même temps, il porte sur elle un regard trèspudique. Elle lui dit : "j'aime comme tu me prends, tu me respectes " .
La réputation Bertrand Blier fait parfois peur aux acteurs. Bernard Campan dit avoir vécu un tournage très enrichissant, et révèle quelques secrets sur les méthodes de travail du réalisateur: "Ca m'a donné beaucoup de plaisir. On a travaillé en studio pendantplusieurs semaines, dans le même décor. C'est réconfortant deretrouver un univers familier et quotidien. Je n'ai jamais vu Bertrandstressé. Quand il y avait un problème, je le voyais retourner à son pupitre,bourrer une pipe et relire la scène pour essayer de mieux comprendreet de concilier le point de vue de l'auteur et du réalisateur. Jel'ai vu aussi chercher, en toute humilité et avec beaucoup de patience,la construction des plans. Je crois que l'on fait ce métier d'acteur enprenant son temps, pour mieux progresser et surmonter tous les problèmesque pose un personnage. Rilke le dit dans Les Lettres à unJeune Poète : "la patience est tout".
Fidèle à son image de trublion inconoclaste, Bertrand Blier déclare à propos du "coeur" de son film: "La vraie révolution, c'est le sexe. La révolution se trouve là.L'amour est un idéal. Par contre, si on "baise" dans le métro à sixheures du soir, ça c'est une révolution. Le sexe dérange encoreet peut-être plus aujourd'hui qu'hier quand j'ai commencé à fairedes films."
A propos de Monica Bellucci, Bertrand Blier en dévoile un peu plus: "Le film n'existe que parce qu'un jour je suis allé voir le film deGaspar Noé, Irreversible, que j'ai adoré et je suis resté sous le choc de la présence exceptionnelle de Monica. Dans l'histoire du cinéma, je n'avais jamais vu ça, même Marilyn Monroe n'avait jamais joué ça.Je ne compare pas les talents d'actrice, ce n'est pas ça, mais l'audace,la liberté de mouvements, le corps, l'explosion - tout en restanthabillée! Alors, je me suis dit : "C'est pour moi, c'est pour ça que jefais du cinéma! Pour filmer des femmes! (...) A mon âge, on peut toutdire. Monica met l'ambiance. Elle arrive, s'assied, fume une cigaretteet elle met l'ambiance. On a tous envie de se la faire, c'est évident,même si on n'est pas obsédé sexuel. Elle est dans un bar et vaut trèscher. Bernard Campan est l'acteur idéal de la situation parce qu'il a ducharme. Campan c'est un "baiseur", pas un gros "baiseur" mais un"baiseur". Une fois qu'on a ces deux acteurs là, on a le film.